Jean-François Sivadier présente « Tout est calme dans les hauteurs » de Thomas Bernhard, un spectacle jouissif, drôle et noir
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Dans le sillage de Que ma joie demeure (2022), Clara Hédouin affirme à nouveau son attention au monde que nous habitons, en mettant en scène la pensée du vivant de Baptiste Morizot, qui éclaire la parenté de toutes les formes de vie. Malgré le talent subtil et efficace de la metteuse en scène, qui permet de rendre sensible le flux des idées, la traversée théâtrale se heurte à certaines limites.
Pas de matériau romanesque, pas de trame narrative, pas de protagonistes. C’est ici le cheminement buissonnier d’une pensée philosophique du monde vivant qui s’invite sur le plateau du théâtre : celle de Baptiste Morizot, dont Clara Hédouin souligne qu’elle l’accompagne depuis plusieurs années. C’est par le biais de ses écrits qu’elle a rencontré les textes de Jean Giono, dit-elle. Son affinité avec l’auteur enraciné en Provence a donné lieu à la création de la randonnée théâtrale en pleine nature Que ma joie demeure (2022), stimulante traversée créée à la suite de la saga Les trois Mousquetaires (2012 à 2018), jouée elle aussi en extérieur dans des cités, des parkings, des jardins… partout en France. Pour la première fois, Clara Hédouin crée au sein d’un théâtre, s’inscrivant dans une continuité d’idée qui à l’instar de l’écrivain provençal se refuse à considérer l’homme comme le centre de tout. Située au col de la Bataille au pied des premières falaises du Vercors, aux premiers jours de décembre, cette nouvelle création part vaillamment à la rencontre d’une pensée et… d’une meute de loups. Cette pensée du vivant se déploie autour d’une idée fondamentale : nous sommes des vivants parmi les vivants, dans un univers tissé d’interdépendances et d’héritages ancestraux. Au cœur de la scénographie épurée d’Arthur Guespin agrémentée des lumières d’Elsa Revol, où en fond de scène apparaissent des loups filmés en caméra thermique, les six interprètes enquêtent, pistent, dans une attention et une écoute alertes et vives. Puisqu’ils ne peuvent être des personnages, la metteuse en scène les singularise en leur attribuant des facultés d’intelligence qui dialoguent : l’attention, le doute, l’imagination, la poésie, l’amour, le raisonnement.
Des pistes diffractées
Au sein d’un découpage en brefs chapitres, ce parti pris qui vise à dramatiser les enjeux fonctionne plus ou moins, et permet de conclure très joliment le spectacle. L’un ou l’autre des interprètes – Baptiste Drouillac, Adrien Guiraud, Manon Hugny, Maxime Le Gac-Olanié, Liza Alegria Ndikita et Jenna Thiam – parfois se détache et s’affirme, tandis que le groupe compose une sorte de corps collectif, hyper réactif et bigarré. Pourtant, la partition nous frustre. Peut-être parce qu’elle aborde un peu trop brièvement les sujets de la liberté, des paradoxes qui définissent le vécu humain. Ancrée dans notre temps, célébrant un grand tout interspécifique, cette pensée qui génère de beaux moments de poésie n’échappe pas, elle non plus, à certains « dispositifs idéologiques » qui caractérisent l’humain. Elle appelle le secours essentiel de la science, interroge l’articulation entre théorie et application. Comment appréhender cet appel vertigineux des interdépendances, au cœur d’un monde chaotique de plus en plus abîmé par l’homme ? Force est de constater que penser et agir collectivement n’est jamais une chose simple pour notre espèce instinctive et raisonneuse, pétrie de subjectivités contradictoires, qui adore se rêver. Le feu créateur fort heureusement brille sur le plateau, éveille curiosité et empathie pour toutes sortes de manières d’être vivant, en attendant qu’essaime une culture du vivant véritablement autre…
Agnès Santi
du mardi au vendredi à 19h30, samedi 11 à 18h, samedi 18 à 18h30, dimanche à 15h30. Tél : 04 78 03 30 00. Durée : 2h.
En tournée du 25 au 28 mars 2026 à La Criée, Marseille ; du 8 au 11 avril 2026 à la MC93,Bobigny.
En extérieur les 5 et 6 juin 2026 à la Scène Nationale de Narbonne, le 9 juin 2026 à l’Estive, Scène Nationale de Foix et de l’Ariège, les 19 et 20 juin 2026 au Channel, Scène Nationale de Calais co-accueil avec La Barcarolle à St-Omer, les 3 et 4 juillet 2026 à Châteauvallon-Liberté, Scène nationale.
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