Chienne de vie* / *Life is a bitch

Le bouc émissaire est celui qui porte le chapeau. Au début du spectacle imaginé par les membres du collectif Le Bleu d’Armand, un des quatre comédiens est choisi pour revêtir le bonnet d’âne qui le désigne pour endosser la responsabilité collective. Il sert ainsi de victime expiatoire à tous les autres, permettant, comme dans tout groupe humain, de canaliser la violence. Les acteurs brossent d’un bleu vipérin le tableau des haines consenties qui soudent les sociétés : racisme, sexisme, homophobie, mépris de classe. Le faible sur lequel s’acharne le nombre a tort de n’être pas fort, et la médiocrité en masse se repaît d’être majoritaire…

Le sacré, c’est la violence

Un riche, trois pauvres, de Louis Calaferte, constitue le squelette du montage textuel, auquel s’ajoutent des extraits de Rodrigo Garcia, Jean-Claude Grumberg, Maupassant, Jean-Luc Nancy, Jacques Rebotier, Jean-Yves Picq et Joël Pommerat. « Tels des garnements, les comédiens se jouent des limites entre jeu et non-jeu » et « entraînent le public dans une ronde infernale et joyeuse », forcément grinçante et inquiétante, puisqu’on sait que la désignation du bouc émissaire est toujours temporaire. Ce mécanisme régulateur suppose qu’on change régulièrement de victime. Les membres du Bleu d’Armand portent le chapeau à tour de rôle, et chaque soir par leur jeu bousculent le public.

Catherine Robert