La Visite d’Anne Berest
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L’ex-sociétaire de la Comédie-Française Laurent Natrella incarne le texte savoureux de Daniel Pennac où l’auteur, puisant dans son passé de cancre et ses souvenirs de professeur, invite à réfléchir sur la transmission et la pédagogie.
On aurait tous aimé avoir un professeur de français comme Daniel Pennac. On aurait même tous rêvé d’être cancre, pour connaître, grâce à lui, le bonheur de conjurer ce qu’il appelle « la pensée magique », ces affirmations définitives comme : « je n’y arriverai jamais » ou « j’ai toujours eu zéro en dictée ». Mais quelle est donc la recette de ce thaumaturge pour que la dictée n’effraie plus ses élèves au point qu’ils deviennent les correcteurs de camarades plus âgés qu’eux ? ou pour que le par cœur les enchante, au point qu’ils décident de réciter Le Pont Mirabeau à l’envers ? Le préalable, et il est d’importance, c’est que Daniel Pennac a été cancre lui-même. Sa méthode suit en quelque sorte le principe de l’homéopathie : combattre le mal par le mal, la grammaire par la grammaire, l’orthographe par l’orthographe, la peur de ne pas comprendre les grands textes par une plongée quotidienne dans les grands textes. Une pédagogie qui incarne l’enfant dans le présent, reprend toutes les règles à la base et réhabilite la mémoire, non pour la muscler, mais pour s’approprier la littérature. À force, les verrous sautent, le cancre, délivré de ses inhibitions, comprend non seulement qu’il y arrive mais qu’il peut même se livrer à une parfaite analyse grammaticale de ce pronom adverbial autrefois si hermétique.
Prix de camaraderie plutôt que prix d’excellence
Si le texte de Chagrin d’école est savoureux et les anecdotes piquantes, le titre rappelle aussi à quel point une enfance peut être blessée par l’institution. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le roman a trouvé un écho chez Laurent Natrella, l’ancien sociétaire de la Comédie-Française avouant dans sa note d’intention qu’il fut un « gentil cancre » glanant plutôt les prix de camaraderie que les prix d’excellence. Enseignant par ailleurs le théâtre, il partage aussi avec l’auteur des Malaussène cette expérience de la pédagogie. Mais même sans cette communauté de parcours, Laurent Natrella est un acteur suffisamment aigu pour incarner avec finesse et humour Chagrin d’école, dans l’adaptation et la mise en scène rythmée de Christèle Wurmser. Habits sombres et baskets blanches : tel se présente le pédagogue devant sa classe matérialisée par un bureau et des chaises en bois. Aux élèves présents en voix off, et devant un tableau où s’affichent en direct de charmants dessins et d’énormes fautes d’orthographe, Laurent Natrella apporte sa bienveillance, sa tendresse parfois teintée de mélancolie, et son humanité. Une plongée dans l’enfance doublée d’une belle réflexion sur la transmission et la pédagogie.
Isabelle Stibbe
Du mercredi au samedi à 19h. Tél. : 01 42 80 01 81.
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