La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Catherine Anne

Catherine Anne - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2010

Le sens de l’existence

Pour Catherine Anne, auteur, metteuse en scène et directrice du Théâtre de l’Est Parisien, le théâtre reste absolument l’endroit du dialogue, de la beauté et de l’intelligence partagée. Avec sa dernière création Le Ciel est pour tous, se pose la question intime de la foi. Qu’est-ce qui aide aujourd’hui l’être humain à vivre ?

Comment vous êtes-vous penchée sur la question du religieux ?
Catherine Anne : J’ai écrit la pièce Le Ciel est pour tous ces deux dernières années, alors que le projet est né autour de 89, quand commençaient les discussions sur le port du voile islamique. Je me suis engagée dans cette écriture car la présence du religieux dans la vie civile est de plus en plus sensible. Artiste indépendante dans un théâtre du vingtième arrondissement, j’ai eu l’occasion de travailler avec des collégiens et des lycéens pour un atelier d’écriture ou une réflexion autour d’une pièce, et je me suis étonnée de constater combien la dimension religieuse est présente dans la vie de ces jeunes gens. Cette évolution de la vie civile ne me plaît pas.         

La foi en elle-même est objet de discussions et d’échanges…
C. A. : Je connais des personnes croyantes ou incroyantes pour lesquelles j’éprouve de l’estime, de la considération et de l’amitié. Je vois des croyants et des incroyants qui me font peur et que je pourrais combattre. La question de la foi est profonde et mystérieuse. Qu’est-ce qui incite à croire ou pas ? Ce sont des raisons personnelles de l’ordre de l’intime et du secret  auxquelles se conjugue la dimension sociale et familiale ; cette évidence côtoie la question politique du pouvoir et de l’abus de pouvoir.

L’Affaire Calas a enflammé le Siècle des Lumières et le foulard islamique défraye la chronique depuis 89. Quel est le lien entre les deux ?
C. A. :  Au moment de la discussion autour de la présence des signes religieux à l’école et notamment du port du voile islamique, des frictions incontournables entre le respect de la laïcité et le respect de la religion, j’ai relu le Traité sur la Tolérance de Voltaire.

« Les funérailles religieuses sont le premier déclencheur du drame qui va provoquer positionnements, conflits… »

Il est essentiel de ne pas oublier aujourd’hui en France la question de la tolérance et de l’intolérance, celle de la religion et du fanatisme. Cette question se pose naturellement, non à cause de l’Islam, mais parce que s’affirment le dogme, et l’organisation de groupes qui se solidarisent au nom d’un absolu qui serait Dieu. La France a connu le fanatisme du catholicisme face au protestantisme, c’est-à-dire le refus et la mise  hors-la-loi des autres religions. Elle est aujourd’hui l’un des rares pays où l’État et le religieux sont séparés. L’actualité religieuse demeure importante dans la société de 2010.

Comment la structure de la pièce s’organise-t-elle ?
C. A. : Il s’agit d’une famille laïque non-croyante dont le père est d’ascendance musulmane et la mère d’ascendance catholique. Ils ont deux enfants, un grand ado et une jeune adulte. Ce qui sous-tend la fable, c’est le décès du père de la mère, le grand-père des enfants, catholique de naissance et profondément athée et anticlérical. La mère décide d’organiser une cérémonie à l’église. Les funérailles religieuses sont le premier déclencheur du drame qui va provoquer positionnements, conflits et tentatives de résolution de ces conflits. L’aînée de la famille, âgée d’une vingtaine d’années, écrit un livre sur le Traité de la Tolérance : les situations peuvent être mises en parallèle. La famille entre en relation avec des personnes extérieures, un curé et deux jeunes jumeaux différents dans leur rapport à la foi. La pièce se passe en trois époques, le début du vingt-et-unième siècle, dix-huit mois après et dix-huit mois plus tard encore, dans un léger futur possible, probable, inquiétant… Le projet périlleux m’enthousiasme.

Propos recueillis par Véronique Hotte


Le Ciel est pour tous, texte et mise en scène de Catherine Anne, du 15 au 28 janvier 2010 et du 9 au 19 février 2010, lundi, mercredi, vendredi 20h30, mardi, jeudi, samedi 19h30, dimanche 15h au Théâtre de l’Est Parisien 159 avenue Gambetta 75020 Paris Tél : 01 43 64 80 80 – www.theatre-estparisien.net
Texte publié chez Actes Sud

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