« Cabaret néopathétique », la nouvelle création de Clément Poirée sur un texte de Cami

Pourquoi ce cabaret inaugural ?

Clément Poirée : Il est la concrétisation d’un rêve qui répond à une interrogation importante pour le metteur en scène et directeur que je suis. Chaque saison, j’ai l’impression d’animer ce théâtre avec une équipe qu’élargissent ceux qui viennent jouer les spectacles programmés. L’équipe du Théâtre de la Tempête est comme une grande bande qui se constitue différemment tous les ans et vient y rencontrer le public. Pourquoi, alors, ne pas organiser cette rencontre dès le début de la saison ? Notre programmation est éclectique, hors chapelles : elle regroupe, autour du théâtre contemporain, des genres et des gens différents, réunis par une sensibilité, un désir, un rapport à notre pratique communs. Cet événement, autre manière de présenter la saison, permet de constituer symboliquement cet ensemble, composé d’au moins un artiste de chacun des spectacles qui la composent : cette troupe éphémère se réunit pour un objet artistique commun, épique, joyeux et drôle. Il s’agit donc d’un spectacle du Théâtre de la Tempête dans son ensemble, même si j’en signe la mise en scène.

« C’est un cabaret « je préfèrerais ne pas », pour plagier Bartleby ! »

Qui sont Pssitt et Pschutt ?

CP : Des personnages inventés par Cami, auteur comique du début du XXème siècle, très politique et très drôle. Chaplin disait de lui que c’était « the best humorist in the world ». Il a été porté en scène par Prévert, Topor, mais cette forme de cabaret satirique n’est plus guère au goût du jour. Je suis parti de Pssitt et Pchutt dans le cirque de la vie, qui imagine les aventures de deux clowns qui sortent de leur chapiteau pour découvrir la vie normale. Ce n’est pas facile, car les gens normaux ont peur, sont déprimés, ont des problèmes de sous ! Pssitt et Pschutt tombent sur un congrès de ratophobes, vont au rigolodancing, elles essaient de dormir, mais même leurs rêves sont mélancoliques ! Nous leur faisons rencontrer des personnages des spectacles de la saison, imaginés par Melville, Daniil Harms, Tchekhov, Kafka, Hanna Krall, et qui ont en commun de ne pas réussir à faire partie de l’équation du monde tel qu’il va, qui sont à contre-courant, à rebours. C’est un cabaret « je préfèrerais ne pas », pour plagier Bartleby !

Ce cabaret présente une saison écourtée pour travaux…

CP : La saison est en effet un peu écourtée pour une raison qui est une grande chance, dont nous sommes fiers et reconnaissants envers le ministère de la Culture, la Ville de Paris et la Région Ile-de-France : la salle Copi va faire peau neuve. 20 % de jauge en plus, les loges et l’installation technique remises à neuf : les travaux vont durer jusqu’en janvier. Si elle est un peu plus courte, cette saison est très riche et, comme à chaque fois, pensée comme une promenade, un parcours de curiosité, avec des contrastes et des moments différents. A l’instar de la saison, ce cabaret inaugural réunit les artistes et le public, avec un repas volant servi aux spectateurs à qui on demande de venir vêtus de noir, gris ou blanc, à qui on proposera de se grimer, de chanter et de danser, pour que, tous ensemble, nous transformions la tristesse en joie.

Propos recueillis par Catherine Robert