« Qui a peur », comédie mise en scène par Aurore Fattier
La metteuse en scène Aurore Fattier [...]
Bernard Crombey, seul en scène, reprend ce texte créé au Théâtre du Rond-Point en 2009, puis joué avec succès au Festival d’Avignon Off. Fort d’un impressionnant talent, le comédien donne corps au drame poignant de Monsieur Motobécane, injustement emprisonné.
Victor, surnommé “Motobécane“, mène une vie simple et sans histoires. Récolter les bouteilles vides, collectionner les étiquettes et prendre plaisir à respirer “el bon air à campagne“ en roulant sur sa mobylette bleue, voilà son gagne-pain et quelques petits bonheurs. Ce “quitte à quatorze“ (l’école) écrit sans manquer un “s“ à la fin des mots. Il n’est pas si bête. Puis sa vie bascule. Il rencontre la “tiote“ Amandine, la recueille naïvement chez lui parce qu’elle ne veut plus aller à l’école, ni retourner chez elle car sa mère la bat. « Veux plus r’cevoir les tartagnoles » implore-t-elle. Ému par l’enfant, touché par le fait que quelqu’un lui accorde autant d’attention – « ça m’a pris el goutte dans l’cil » – il ne la ramène pas chez elle et la garde auprès de lui plusieurs semaines. Les gendarmes, à la recherche de la petite, finissent par l’arrêter, par hasard. C’est avec une profonde authenticité que Bernard Crombey donne vie à cet homme blessé, qui écrit sa “vérité à l’exacte“ depuis sa “chambre à barreaux“. Avec l’accent picard, il retrace sa vie et raconte son histoire, drame poignant d’une solitude irrémédiable et sans issue.
Une authenticité saisissante
Au-delà des clichés du terroir campagnard, d’un vocabulaire et d’une syntaxe qui peut prêter à sourire, cet accent picard que Bernard Crombey connaît bien transforme le verbe, il donne à l’interprétation un relief humain particulier, la langue s’enrichit d’étonnants raccourcis poétiques et d’une saveur particulière, et cette espèce d’étrangeté du verbe éminemment savoureuse n’empêche en rien la proximité avec le spectateur, bien au contraire. Une telle langue ne constitue pas un masque, elle révèle au contraire cet homme dans toute sa naïveté et sa sincérité. « Il est fondamentalement honnête », dit Bernard Crombey de son personnage, qu’il a créé en s’inspirant du roman Le Ravisseur de Paul Savatier, lui-même imaginé à partir d’un fait divers de 1975. Cette confession désespérée d’un homme solitaire et marginal, forcément très malhabile avec les juges, impressionne par son authenticité saisissante. Elle fait de la scène de théâtre le lieu d’une incarnation étonnamment juste et sans fard, profondément émouvante.
Agnès Santi
jeudi, vendredi et samedi à 19h. Tél : 01 42 08 00 32. Spectacle vu à Avignon Off en 2013.
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