La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Avant la révolution

Avant la révolution - Critique sortie Théâtre Paris Le Tarmac
L’Egypte sous le regard d’Ahmed El Attar. Crédit : Mostafa Abdel Aty

Le Tarmac / de et mes Ahmed El Attar

Publié le 24 octobre 2017 - N° 259

Avec Avant la révolution, Ahmed El Attar renouvelle avec force son approche du soulèvement populaire de 2011 en le replaçant dans un temps long. Dans une suite ancienne de violences et de frustrations.

Avec leur pantalon à pinces retenu par des bretelles rouges, leur chemise blanche bien amidonnée, Ramsi Lehner et Nanda Mohammad incarnent des figures d’un autre temps. Celui de Chaplin ou de Tati semble-t-il. Même si leur allure burlesque est contredite par un visage fermé et par une évidente raideur physique. Par le socle d’environ deux mètres sur lequel ils se tiennent droits comme des i aussi, les pieds nus, face au public. Hérissé de pics métalliques qui, de loin, ressemblent fort à des couteaux, ce mini-plateau contraint les deux comédiens à une paralysie presque totale. Créée au Caire en octobre 2017 et présentée peu de temps après en France dans le cadre du Festival International des Arts de Bordeaux (FAB), cette nouvelle création de l’Égyptien Ahmed El Attar repose donc essentiellement sur la parole. Cela d’une manière plus radicale encore que dans On the importance of being an Arab (2009) et The Last supper (2015), dont les flux verbaux vertigineux annonçaient celui de Avant la révolution. D’autant plus torrentiel qu’il se déploie hors de tout récit global et de tout contexte réaliste. Comme échappés d’un film muet et craignant d’y être renvoyés sans procès, les remarquables Ramsi Lehner et Nanda Mohammad se livrent en effet à une énumération hâtive de faits divers et variés datant des six années qui ont précédé la révolution de 2011, et la démission, le 11 février de la même année, du président Hosni Moubarak.

L’Égypte jusqu’au vertige

Après The last supper consacré à la lenteur des transformations post-révolutionnaires, Ahmed El Attar prend donc du recul. Comme le fait Leila Soliman dans Zig zig, en s’intéressant à l’histoire d’un viol datant de la veille d’une autre révolution : celle de 1919, qui aboutit en 1922 à l’indépendance du pays. Avant la révolution semble donc s’inscrire dans une tentative plus générale de dépassement de la désillusion face au présent. Le rapport de Ahmed El Attar au passé est toutefois très différent de celui de Leila Soliman. Beaucoup plus subjectif. Loin de documenter sa période à l’aide d’archives, le metteur en scène de Avant la révolution s’autorise une sélection très personnelle d’événements et de références. Sans en assurer la traçabilité. Résumés de feuilletons égyptiens aux scénarios alambiqués, extraits de discours religieux, d’articles de presse, de chansons, de slogans de clubs de football ou encore dialogues intimistes écrits par Ahmed El Attar… Portés par les deux acteurs immobiles, ces matériaux hétérogènes dessinent avec finesse les contours d’un paysage oppressant tout en laissant au spectateur le soin de faire ou non des liens entre les éléments qui le composent. Un bel exercice perécien, et politique.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Avant la révolution
du mardi 28 novembre 2017 au samedi 2 décembre 2017
Le Tarmac
159 Avenue Gambetta, 75020 Paris, France

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 16h. Durée de la représentation : 50 minutes. Tel : 01 43 64 80 80. www.letarmac.fr. Vu à Bordeaux dans le cadre du FAB – Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.

Également les 6 et 7 décembre 2017 à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy et les 24 et 25 janvier 2018 à la Filature, Mulhouse.

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