La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Anne-Marie Lazarini

Anne-Marie Lazarini - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Artistic Athévains

Théâtre Artistic-Athévains / Chat en Poche / De Georges Feydeau / mes Anne-Marie Lazarini

Publié le 24 février 2014 - N° 218

Après le succès de Ravel créé la saison dernière, salué par le public et la critique, Anne-Marie Lazarini change de registre et s’empare de Chat en poche (1888) de Feydeau, comédie virtuose qui enclenche une implacable mécanique de la folie. 

Pourquoi avoir choisi de monter Chat en poche de Feydeau ?

Anne-Marie Lazarini : Cette pièce est pour moi la quintessence de l’art du quiproquo. Feydeau met en route une machine infernale, une mécanique implacable qui entraîne les personnages dans une folie totale. Pas de cocufiage ici, mais des ratages et quiproquos en cascade. Un bourgeois de la capitale, Pacarel, souhaite acquérir un renom artistique en faisant jouer à l’Opéra le Faust que sa fille a réécrit d’après Gounod. Pour ce faire, il est résolu à engager un ténor réputé venu de l’Opéra de Bordeaux. Un jeune homme arrivant de Bordeaux se présente : l’étudiant Dufausset est pris pour le ténor Dujeton, et cette première méprise s’installe durablement. Dès lors, l’enchaînement des quiproquos submerge les personnages : c’est le triomphe de l’absurde, du nonsense. Je prends au pied de la lettre la première réplique de Dufausset lorsqu’il arrive chez Pacarel : « Une maison de fous… ». Ce degré de folie s’apparente selon moi à celle qui règne dans Alice de Lewis Carroll, où l’héroïne rencontre des personnages insensés, rapetisse ou grandit sans s’en étonner. Les personnages chez Feydeau ne maîtrisent rien, et se croient dans la normalité alors qu’ils naviguent en pleine folie. Cette mécanique de la folie, c’est très drôle et c’est du grand art !

« Inscrire la mise en scène dans cet entre-deux entre le normal et l’anormal. »

En quoi cet engrenage génère-t-il selon vos propres termes un « comique de destruction » ?

A.-M. L. : Tout d’abord, Feydeau porte un regard critique sur la bourgeoisie, un monde qu’il connaissait bien parce que c’était le sien. Toutes ses pièces dépeignent la bourgeoisie, des êtres souvent bêtes, bornés et prétentieux. Obsessionnels, prisonniers d’une idée fixe, les personnages de Chat en poche s’enferment en eux-mêmes, ils ne voient rien, n’entendent rien et ne posent pas de questions. Ce qui est formidable, c’est que l’écriture même porte cette destruction, cette perte du réel pour les personnages et les situations. Ce n’est pas leur psychologie qui guide ou égare les personnages, ce sont les mots qu’ils disent qui les entraînent dans ce délire, qui ne manque d’ailleurs pas de contradictions et invraisemblances. Ils sont piégés par le langage donc par l’écriture. Cette dimension m’intéresse particulièrement.

La scénographie reflète-t-elle cette incursion de la folie ?

A.-M. L. : Avec notre scénographe François Cabanat, nous avons effectivement voulu créer un espace qui tremble, qui n’est pas tout à fait normal. Suscitant comme une impression de vertige, le plateau semble pencher d’un côté, les murs de l’autre, et des meubles irréalistes et insensés évoquent l’univers du conte. Les personnages disjonctent et cette folie qui s’ignore s’enclenche au cœur de cette anormalité, porteuse d’une dimension poétique. Les surréalistes pourraient revendiquer Chat en poche ! Je souhaite inscrire la mise en scène dans cet entre-deux entre le normal et l’anormal, entre l’ordre et le désordre.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Chat en poche
du mardi 4 mars 2014 au mercredi 30 avril 2014
Théâtre Artistic Athévains
45 Rue Richard Lenoir, 75011 Paris, France

A partir du 4 mars, du mardi au samedi à 20h30 sauf mercredi et jeudi à 19h, samedi 16h et 20h30, dimanche 15h. Tél : 01 43 56 38 32.

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