La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Anna Mouglalis interprète « La Chair est triste hélas » d’Ovidie : un pamphlet punk

Anna Mouglalis interprète « La Chair est triste hélas » d’Ovidie : un pamphlet punk - Critique sortie Théâtre 75018 Paris THEATRE DE L'ATELIER
Anna Mouglalis dans La Chair est triste hélas. © Christophe Raynaud de Lage

Théâtre de l’Atelier / texte et mise en scène d’Ovidie

Publié le 17 septembre 2025 - N° 335

Entre pamphlet punk et déversoir cathartique, Anna Mouglalis s’empare du texte d’Ovidie dans lequel celle-ci raconte les raisons de son dégoût et de son arrêt des pratiques hétérosexuelles.

L’idée est aussi vieille que le théâtre : Aristophane montrait déjà dans Lysistrata que la grève des vagins est une arme politique dont les femmes peuvent s’emparer pour faire cesser la guerre. Ovidie reprend ce mot d’ordre : elle se retire de la scène érotique, mettant son refus en mots et désormais en scène. Plus encore qu’une grève, qui suppose qu’on revienne au travail quand les conditions en sont améliorées, ou qu’une résistance, qui lutte pour qu’adviennent les jours heureux, sa revendication est celle de la désertion pure et simple : « un jour, j’ai arrêté le sexe avec les hommes. » Virulent, volontiers trash et obscène, dans la mesure où les hommes assurent leur domination de manière violente et méprisante, la révoltée se tient à la hauteur de la brutalité subie, dans une provocation enflammée. Ultime effusion humorale consentie : celle du fiel, de la colère et du vitriol, pour que les mâles entendent tout le mal qu’on pense du mal dont ils sont capables, puisque la culture, comme une seconde nature, les a fait prédateurs et propriétaires. Ovidie ajoute un élément d’analyse à Françoise Héritier : les hommes ne cherchent pas seulement à posséder et échanger les utérus, mais aussi les réceptacles de leur jouissance.

Ni dieu ni maître

Anna Mouglalis, en moderne Amazone, est seule sur scène, dans la beauté altière et farouche d’une combattante certes blessée, mais tendue dans le refus revendiqué de continuer à consentir à la servitude volontaire. N-i, ni, c’est fini, et ça ne risque pas que ça recommence, puisque la chair est triste et que le conflit est sans issue. Le texte n’admet la contradiction que pour mieux la balayer : à l’instar des coïts dont Ovidie affirme qu’ils sont les plus lassants, le texte lime la muqueuse jusqu’au sang. Anna Mouglalis assume avec émotion et courage d’ainsi apparaître comme celle par qui le scandale arrive, puisqu’il faut bien appeler un chien un chien, et refuse de tendre l’autre joue. La tradition de l’éructation, du brocard et du sarcasme est respectée.  Il n’y a plus de livres à lire puisque tout est dit : la chair n’est pas seulement triste, elle est morte. La scénographie de Grégoire Faucheux installe la comédienne entre des bandes verticales qui servent de supports aux vidéos les plus émétiques, des violences obstétricales aux concours de mini-miss où sanglotent des fillettes peinturlurées en princesses. Anna Mouglalis et Ovidie font souffler le vent de la colère sur la scène et fustigent le patriarcat et la loi du marché dans l’élégant et délicat écrin du Théâtre de l’Atelier.

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Chair est triste hélas
du mardi 9 septembre 2025 au samedi 25 octobre 2025
THEATRE DE L'ATELIER
1, place Charles-Dullin, 75018 Paris.

Du mardi au samedi à 21h ; relâche du 26 au 28 septembre et le 14 octobre. Les dimanches 21 septembre et 5 octobre à 17h. Tél. : 01 46 06 49 24. Durée : 1h10.

Tournée : 28 et 29 novembre au Théâtre de la Croix-Rousse, à Lyon.

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