Les Nouveaux Aristocrates
Les membres du collectif La Fleur, danseurs, [...]
Théâtre documentaire très habilement mené, Zig Zig ajoute une pierre au mémorial des violences faites aux femmes.
Il est ici question d’un fait historique lié au passé de l’Egypte. En 1919, alors que le pays tente de chasser le colon anglais, dans un village, des soldats britanniques commettent des exactions, parmi lesquelles le viol de plusieurs femmes. Celles-ci viendront témoigner devant le tribunal mené par l’occupant et c’est dans les archives du Ministère des Affaires Etrangères de Grande-Bretagne que Laila Soliman, jeune metteuse en scène égyptienne, est allée puiser la matière principale de ce spectacle. Après une mise en perspective historique, elle entrelace des interrogatoires du procès avec des commentaires sur les directions qu’ont prises ses recherches. Place quasi-nulle des femmes dans l’histoire de l’Egypte, possible manipulation masculine de ces témoignages, effacement de ces archives en langue arabe et violence des interrogatoires parlent en creux du statut des femmes en Egypte, hier et aujourd’hui, mais aussi, et plus largement de leur sort dans le monde. « Comment étiez-vous habillée ? » demande ainsi systématiquement l’avocat aux plaignantes, question qui n’est bien sûr pas sans rappeler l’accueil que peuvent encore recevoir certaines femmes dans nos commissariats.
Aujourd’hui, la domination masculine se poursuit
Sur scène, quatre comédiennes et une violoniste, face public, postées devant des pupitres qu’elles éclairent d’une petite lampe. Alternativement plaignantes, juges, avocats, ou voix de la metteuse en scène, elles interprètent les scènes du procès dans un rythme qui dit le harcèlement exercé par cette cour sur les femmes qui témoignent. Entrecoupé de scènes chorégraphiées et de chansons – souvent d’époque –, le spectacle est dynamique, intelligent et surprenant, ouvre des directions différentes dans un bel art de la suggestion et souvent avec un certain humour. Fatalement, le verdict disculpera l’occupant, que pouvait-on attendre d’autre ? Aujourd’hui, l’occupant demeure même si les anglais sont partis ; sous les formes si variées de la domination masculine et des régimes patriarcaux, la colonisation des corps et des vies des femmes se poursuit. S’il fait œuvre de mémoire, le travail de Laila Soliman donne cependant parfois l’impression de s’enfermer dans ce constat. C’est autant sa faute que celui d’un réel implacable. Tout se passe un petit peu comme si l’histoire qu’il déroule, on la connaissait déjà. C’est plus largement celle des injustices faites aux faibles. Ces paysannes-là ne pouvaient pas exister dans l’Histoire qu’écrivent toujours les puissants. Zig Zig – tout enfantin qu’il est, le terme désigne le désir des soldats violeurs – répare cela avec une sorte d’ironie tragique, une distance tendre qui, si elle peut être frustrante, donne à ce spectacle toute sa singularité.
Eric Demey
Durée : 1h15. Tel : 01 48 70 48 90. Les 25 et 26 au festival sens interdits à Lyon. 14 et 15 novembre au Tandem à Douai. Le 17 à la friche Belle de Mai à Marseille. Du 21 au 23 au théâtre Garonne à Toulouse. Le 23 janvier à la Filature à Mulhouse.
Les membres du collectif La Fleur, danseurs, [...]