La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2014 - Entretien Gérard Gélas

Vu à la télé !

Vu à la télé ! - Critique sortie Avignon / 2014 Avignon Théâtre du Chêne Noir
Crédit photo : Lys-Aimée Cabagni

Théâtre du Chêne Noir / Le Tartuffe nouveau / de Jean-Pierre Pelaez / mes Gérard Gélas

Publié le 23 juin 2014 - N° 222

Jean-Pierre Pelaez fustige, à la manière de Molière, les Tartuffe modernes de la manipulation médiatique et leurs victimes, thuriféraires gogos et victimes béates. Gérard Gélas met en scène cette désopilante comédie, satire des mœurs contemporaines.

« Mieux vaut rire que pleurer ! »

Comment avez-vous eu connaissance de ce texte ?

Gérard Gélas : J’ai reçu par la Poste ce texte dont je ne connaissais par l’auteur. Je n’ai pas de comité de lecture, mais j’ai une pile de pièces sur mon bureau, dans laquelle je pioche régulièrement. Souvent, ça me tombe des mains ; mais là, ça m’a plu. Je suis tombé en extase théâtrale ! Les alexandrins, la situation : il y avait tout pour me faire rêver. Deux jours après, j’ai contacté l’auteur, j’ai filé dans les Cévennes pour le rencontrer, à la fin du repas, il m’a donné les droits !

Que raconte la pièce ?

G. G. : Je ne vais pas vous faire l’affront de raconter Le Tartuffe ! Même situation, mêmes personnages (même s’il a changé les noms), Jean-Pierre Pelaez a surtout gardé le moteur de la pièce : la fascination pour Tartuffe. La pièce est située aujourd’hui, chez ceux qu’on appelle les bobos, au centre d’une zone sismique qu’on a appelée un temps la gauche caviar. Tartuffe-Krüger est omniprésent dans les médias et vend de l’humanitaire en s’enthousiasmant pour la douleur. Autour de ce Krüger télévisuel, Pelaez a gardé tous les équilibres de Molière,en transposant en les rapports. Orgon bave devant cette gloire médiatique, qui, au fond, se contrefout des gens pour lesquels il suscite la pitié des téléspectateurs (qui oublient, au passage, que la pitié n’est pas la justice).

Pastiche de l’alexandrin, décalage des situations : n’est-ce pas là une pièce un peu potache ?

G. G. : J’ai quarante-cinq ans de métier derrière moi, donc je suis capable de faire la différence entre une pièce de potache et une véritable pièce de théâtre réussie ! Jean-Pierre Pelaez manie l’alexandrin comme peu : ce n’est pas un élève, c’est un maître ! Son écriture n’est jamais vulgaire et, même en alexandrins, tout nous raccroche à l’actualité. Il suffisait de voir les réactions du public quand nous avons créé la pièce : personne ne s’y trompe et tout le monde hurle de rire ! C’est acide, drôle, corrosif, et ça déglingue un certain nombre de fausses valeurs. Le rire n’est pas seulement affaire de potache : on peut rire à certains moments d’auteurs éminents ! Tel est le cas avec cette pièce. Retenons, face à cette société qui ne va pas bien, la maxime selon laquelle il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Quand on voit tous les combats, les vies de ceux qui y sont restés pour arriver à ce qui se passe aujourd’hui, mieux vaut rire que pleurer, franchement…

Pourquoi choisir des costumes du XVIIème siècle ?

G. G. : C’est un procédé brechtien, celui de la théorie de l’éloignement, qui désigne la manière de s’éloigner d’une situation pour mieux y ramener le public. La pièce est jouée en costumes du XVIIème siècle, et elle parle de tout ce qu’on vit aujourd’hui. Et c’est encore plus détonnant ! Il ne s’agit pas d’un caprice esthétisant, même si les costumes sont remarquables ! En fait, j’ai comme l’impression que l’histoire de l’humanité évolue par cycles : les habits changent mais la mécanique reste la même. La difficulté que provoquait une certaine Eglise à une certaine époque se retrouve aujourd’hui dans le rapport aux médias. Pelaez est aussi noir que Molière parce que, sur ces sujets-là, les choses n’ont pas tellement évolué. Au centre de l’humanité organisée, se trouvent ceux qui détiennent le pouvoir : autour d’eux, ceux qui se gavent, et qu’on retrouvent sous des habits différents. Nous n’avons pas la prétention de nous déclarer résistants avec cette pièce – laissons ce nom à ceux qui sont morts les armes à la main – mais on rigole, on se marre, et ce rire lucide, c’est bien et ça fait du bien !

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Tartuffe nouveau
du lundi 7 juillet 2014 au samedi 26 juillet 2014
Théâtre du Chêne Noir
8B Rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon, France

Avignon Off. Théâtre du Chêne Noir, 8bis, rue Sainte-Catherine. Du 5 au 27 juillet, à 15h30. Tél. : 04 90 86 74 87. Texte paru en juin 2014 aux éditions L’Harmattan.

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