La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Gros Plan

Un récital de récitals, avec Jean-François Borras, Yusif Eyvazov, Nadine Sierra, Patricia Petibon et Raquel Camarinha.

Un récital de récitals, avec Jean-François Borras, Yusif Eyvazov, Nadine Sierra, Patricia Petibon et Raquel Camarinha. - Critique sortie Classique / Opéra Paris Centre Éléphant Paname
Raquel Camarinha © Paul Montag

PARIS / VOIX

Publié le 19 décembre 2018 - N° 272

Une pléiade de voix à découvrir cet hiver. Gros plan sur nos coups de cœur pour se construire au fil des timbres et des semaines un parcours riche, coloré et vivace, un récital de récitals…

Il est des périodes où la vie musicale est telle à Paris qu’elle finit par induire tant de dates qu’on ne s’y repère même plus, tant de noms qu’on ne sait plus s’ils sont poulains fringants ou chevaux de retours. Commençons par un artiste qui nous vient de Monaco. Pourquoi aller écouter Jean-François Borras ? C’est tout simple. Parce qu’il est l’un des seuls à nous donner constamment, et comme par routine, l’exemple vivant d’une voix en phase avec le corps et l’homme qu’elle habite. Voici l’exemple parfait d’une fondation intime du son, d’un appui de ce son sur un souffle sûr, que l’on ne trouve guère aujourd’hui. Et par-dessus tout, cette chaleur, ce velours unique qui l’a fait triompher dans Werther au Met en remplacement de Kaufmann, et l’honore en ce moment en Alfredo à Bastille. Un velours que l’on vous conseille de découvrir dans l’intimité du dôme sous lequel se déroule l’Instant Lyrique, à l’occasion d’un récital avec le pianiste Antoine Palloc. Jamais l’appellation ténor dramatique n’a aussi bien porté son nom qu’avec Yusif Eyvazov. Le timbre indéfinissable, à la fois clair dans ses contours, avec une improbable estompe dans le registre grave, autorise des tenues tremblées à l’effet particulièrement pénétrant. Et avec cela, ce regard comme cendré, ces lèvres qui se révulsent dans le cri, cette stature qui est déjà naturellement celle d’un Calaf. Mais où donc trembler au grand geste tchaïkovskien qui sera le sien le jeudi 7 février ? A Gaveau pardi, où l’on gage que sa voix résonnera longtemps entre les moulures dorées.

Deux ténors, trois sopranos

Comme certaines de ces consœurs de la nouvelle génération, Nadine Sierra a la conscience aigüe de son siècle. Le public la sait capable d’abandonner sur scène sa traîne de diva, de se montrer sous son vrai jour : celui avant tout d’une femme de son temps qui n’a que faire d’étoffes et de perruques d’époque. Si de la sienne, Nadine en possède la bougeotte, elle a aussi su garder ce rare scrupule qui n’est plus de notre temps : celui de ne jamais risquer d’en faire trop, de savoir refuser plutôt que de bâcler. Est-ce ce même scrupule qui lui a permis d’atteindre une telle liquidité du son, ce modelé phénoménal du souffle, et partout une telle netteté du discours ? Offrir le 12 janvier au public du Théâtre des Champs-Élysées de renouveler son écoute des grands classiques au travers d’un parcours qui les jalonne si audacieusement : il fallait l’oser.

Phonogénie

Patricia Petibon est bien plus que cette rousseur excentrique à laquelle certains aiment la résumer. Ce n’est pourtant pas non plus une voix vierge que l’on redemande – la sienne s’est couverte de la patine des années –, mais son élasticité, sa fraîcheur, sa promptitude à s’imposer à notre attention. Chez Petibon, ce rarissime ensemble de qualités s’est préservé sur plus de 20 ans de carrière, avec un chic d’exécution, une phonogénie, un poli de style peut-être bien uniques sur la scène française. Autant de bonnes raisons pour filer Avenue Montaigne l’écouter un lundi 21 janvier dans le récital éclectique (Granados, Bacri, De Falla, Bernstein) qu’elle donnera avec l’orchestre Janáček d’Ostrava.

L’audacieuse Raquel Camarinha ! Jamais trouvera-t-on la jeune chanteuse d’origine portugaise en flagrant délit de médiocrité. Exploratrice infatigable du répertoire contemporain, on la sent s’approcher au plus près de l’étincelle créatrice, s’y mesurer aux côtés du compositeur, avant de la défendre avec ardeur devant son public. Le regard est de gratitude, mais il sait parfois prendre sur scène les yeux flamboyants, instables, d’une lionne blessée. C’est qu’on sent en Raquel Camarinha une comédienne tout autant qu’une chanteuse, condition nécessaire pour faire vivre ainsi la Voix Humaine de Poulenc, ou l’expérimentale Passion selon Sade de Bussotti. Les rôles ont beau l’être, jamais rien n’est sévère dans le timbre, dans cette voix qui diffuse une humanité prégnante. Dieu fasse qu’elle nous apparaisse sous son meilleur jour à l’occasion du Lundi Musical qui lui est consacré le 11 février.

 

Julien Hanck

A propos de l'événement

Jean-François Borras, dans la série « L’instant lyrique »
du lundi 14 janvier 2019 au lundi 14 janvier 2019
Centre Éléphant Paname
10 rue Volney 75002 PARIS

à 20 h

Tél. 01 49 27 83 33

Yusif Eyvazov, dans la série « Les Grandes Voix », jeudi 7 février à 20h30. Salle Gaveau 45 rue La Boétie 75008 Paris. Tél. 01 49 53 05 07.

Nadine Sierra, dans la série « Les Grandes Voix », samedi 12 janvier à 20 h au Théâtre des Champs-Élysées. Tél. 01 49 52 50 50.

Patricia Petibon, dans la série « Les Grandes Voix », lundi 21 janvier à 20 h au Théâtre des Champs-Élysées. Tél. 01 49 52 50 50.

Raquel Camarinha, dans la série des « Lundis musicaux », lundi 11 février à 20 h à l'Athénée Théâtre. Tél. 01 53 05 19 19

 

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