Bientôt, les festivals d’été à découvrir dans La Terrasse !
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Au mois de janvier, deux occasions sont offertes aux franciliens d’approcher l’univers singulier de Gaël Leveugle. Avec Un homme d’après Charles Bukowski à L’Échangeur et Les Lettres d’amour de la religieuse portugaise au Dunois, le comédien et metteur en scène ouvre à son spectateur des espaces d’expériences mettant en crise nos représentations.
À la tête de la compagnie Ultima Necat basée à Nancy, vous défendez un théâtre qui tourne le dos à toute représentation naturaliste. Quelles en sont les lignes directrices ?
Gaël Leveugle : En tant qu’artiste, je ne vois pas en quoi je pourrais prétendre mieux comprendre le fonctionnement de la société que les personnes présentes dans la salle. C’est pourquoi, à l’opposé d’un théâtre naturaliste, fondé sur le discours, je développe un théâtre de l’expérience où je revendique l’héritage rimbaldien. Grâce à une écriture de plateau, où la musique, la lumière, la scénographie ont autant d’importance que les mots et le corps, je cherche à approfondir l’expérience que nous proposent certains poètes.
Les poètes qui vous attirent sont très différents les uns des autres. Qu’y-a-t-il de commun pour vous entre Charles Bukowski et l’auteur anonyme des Lettres d’amour de la religieuse portugaise, ou encore Copi dont vous avez auparavant mis en scène et joué Loretta Strong ?
G.L. : Si les langues de ces trois auteurs ont peu de choses en commun, tous mettent à leur manière nos représentations en crise. Copi est pour moi un précurseur dans sa manière d’affirmer le droit de chacun à se représenter comme il le souhaite et non comme il est d’usage de le faire.
Comme Loretta Strong, vous interprétez Lettres d’amour de la religieuse portugaise seul en scène, alors que dans Un homme vous partagez le plateau avec trois autres comédiens. Votre deuxième solo prolonge-t-il pour vous le premier ?
G.L. : Dans ces deux pièces, la langue est si logorrhéique qu’elle finit par devenir pure prosodie et pur mouvement. Loretta Strong aussi bien que Les Lettres d’amour sont parfaitement irreprésentables. Perdu dans l’espace, se laissant féconder par des rats, accouchant de ratons, le spationaute de Copi ne se prête pas plus à un jeu de type réaliste que la religieuse du XVIIème siècle des Lettres, qui place pour la première fois les mouvements intérieurs d’une femme au cœur d’une œuvre. Le fait que l’auteur soit sans doute un homme, le secrétaire particulier de Louis XIV, m’a beaucoup intéressé en ce qu’il remet en question l’essence de la féminité.
La nouvelle Un homme de Charles Bukowski se prêterait davantage à une approche naturaliste. Comment y échappez-vous ?
G.L. : Dans l’histoire toute simple de Bukowski, où une femme quitte un mari pour retrouver son amant dans une caravane où ils vivent un fiasco, je vois une tragédie : celle de l’Homme à qui il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. En rejouant cet échec de nombreuses fois, avec de petites variations, je veux explorer les différentes facettes d’un même objet : l’épiphanie du désir.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
Un homme
à 20h30. Tel : 01 43 62 71 20. https://lechangeur.org/
Théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss, 75013 Paris. Les Lettres d’amour de la religieuse portugaise. Du 17 au 22 janvier, du mardi au jeudi à 19h, vendredi et samedi à 20h, dimanche à 16h. Tél : 01 45 84 72 00. www.theatredunois.org
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