« Thikra » : Akram Khan exhume quelques clichés

Présentée en création mondiale au festival Montpellier Danse, cette pièce s’appuie sur les récentes découvertes archéologiques du site d’AlUla, en Arabie Saoudite, pour interroger l’héritage des civilisations oubliées. Le chorégraphe britannique collabore avec l’artiste saoudienne Manal Al Dowayan, qui signe une scénographie inspirée de ses terres natales. Le mot Thikra, qui signifie “souvenir” en arabe, donne le ton : il s’agit d’une cérémonie fictive où passé et présent se rencontrent. Khan met en scène une troupe exclusivement féminine, venue des quatre coins du monde, pour incarner la puissance des cultures anciennes et la transmission sensorielle du passé. La danse contemporaine se mêle au Bharatanatyam, non pour juxtaposer les styles, mais pour créer un langage commun enraciné dans les traditions.

Entre tradition et Bollywood

Mais derrière ces nobles intentions, le résultat scénique peine à convaincre. Une grotte stylisée façon péplum, une déesse descendant un escalier, une femme en blanc baignée de lumière orangée : le décor frôle le cliché. Les éclairages sombres nimbés de fumée de Zeynep Kepekli accentuent une dramaturgie pesante, où les symboles s’enchaînent sans réelle lisibilité. La chorégraphie, bien que précise, évoque davantage une scène de Bollywood qu’une réflexion sur la danse savante indienne. Les références se multiplient : pierre gravée en nabatéen, divinités masquées, évocation de Ganesh, renaissance de l’élue… jusqu’à un hommage appuyé à Pina Bausch, avec mouvements de bras et reprise de l’air de Didon (dans l’opéra de Purcell), sans parler des cheveux agités dans tous les sens ! Malgré la richesse des idées, Thikra semble s’égarer dans une esthétique surchargée. Le message, noyé dans les effets, peine à émerger. Une œuvre ambitieuse, mais dont la mémoire risque de s’effacer plus vite que prévu.

Agnès Izrine