La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Quatre à quatre

Quatre à quatre - Critique sortie Théâtre
Crédit : Benoîte Fanton Légende : « Quatre femmes liées, de la petite-fille à l’arrière grand-mère. »

Publié le 10 décembre 2010

Marjorie Nakache installe sur le plateau son Quatre à quatre de femmes soumises ou rebelles, tristes ou délurées. Un coup de pinceau sans relief.

Avec un à-propos politique sûr, Marjorie Nakache dévoile la pièce Quatre à quatre de Michel Garneau, auteur québécois adepte d’un « drôle de langage qui nous arrive tout droit de notre avant-hier ». Si la prise de parole des femmes dans les années 70 a favorisé l’émergence d’un théâtre de revendication au Québec, un tel théâtre reste aujourd’hui d’actualité, de quelque partie du monde que l’on soit. Quatre destins féminins donc – de la jeune fille Anouk (Nabiha Akkari) à sa mère Céline (Marjorie Nakache) et à sa grand-mère Pauline (Nicole Dogué) jusqu’à son arrière-grand-mère Anne (Agnès Debord) – se déploient sous le regard attentif du spectateur. Ces histoires de famille fébrile à travers la propriété d’un patrimoine symbolique – entre tradition, continuité et rupture -, passent sur les courroies de transmission du temps, de façon plus ou moins fluide ou chaotique. De cette ascendance à quatre générations, la plus jeune n’entend pas subir le poids trop lourd de l’héritage existentiel. Anouk, figure de l’avenir, exige reconnaissance, autonomie et identité. Sur ses épaules frêles, repose la misère morale de sa mère, délaissée par son commis-voyageur de mari qui vaque d’hôtel en hôtel. Celle-ci est déjà la fille d’une mère de couleur défunte, rebelle et alcoolique – une belle Billie Holiday provocatrice.
 
Interlocutrice absolue
 
Cette dernière n’a jamais eu rien à dire à sa propre mère, « naïve comme un cantique » et dont le mari jouait du violon aux noces de village. Le constat d’Anouk, c’est que toutes les femmes de sa famille n’ont jamais eu de projet personnel ni d’espérance mais juste un passé : « Y a pas de place pour moi ! ». La dernière de la descendance veut absolument savoir qui elle est. Toutes ont eu vingt ans et se sont senti belles « comme un lilas, un matin d’été, une journée de soleil ». Les fleurs de lilas sont annonciatrices du printemps et du renouveau de la nature. C’est un signe des temps premiers que la jeune fille s’approprie, consciente de l’espoir fou qui l’habite, qu’elle recueille et dont elle jouit sans jamais le renier : le désir de vivre. La femme n’est pas que la compagne de l’homme ni son éternelle servante ; elle est nécessaire à l’existence même de Monsieur car elle seule est mère. Si elle ne l’est pas, elle est une interlocutrice absolue, privilégiée et aimante qui incite à la remise en question des certitudes, viriles ou non. La metteuse en scène fait de ce drame naïf et poétique un récit trop attendu. L’alternance systématique des quatre voix en solo enferme et réduit le propos au lieu de lui donner la pleine mesure de son envol.
 
Véronique Hotte


Quatre à quatre, de Michel Garneau ; mise en scène de Marjorie Nakache. Du 16 novembre au 18 décembre 2010. Jeudi 16 décembre à 14h. Jeudi, vendredi et samedi à 20h45. Dimanche 5 et 12 décembre à 15h. Le Studio Théâtre de Stains 19, rue Carnot 93240 Stains. Tél : 01 48 23 06 61. Durée : 1h10

A propos de l'événement


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