La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Phèdre

Phèdre - Critique sortie Théâtre Nanterre Théâtre Nanterre-Amandiers
© Pascal Victor

Théâtre Nanterre-Amandiers / De Racine / mes Jean-Louis Martinelli

Publié le 26 novembre 2013 - N° 215

Jean-Louis Martinelli donne une mise en scène bien sobre de la tragédie de Racine, lestée par une distribution inégale.

« Avant que la tragédie ne commence, Phèdre veut déjà mourir, mais cette mort est suspendue : silencieuse, Phèdre n’arrive ni à vivre ni à mourir, seule la parole va dénouer cette mort immobile, rendre au monde son mouvement. » notait Barthes dans son essai Sur Racine. Là git en effet toute sa douleur, effroyable car muette, enfouie au plus intime de la chair brûlante, et pourtant précieuse car ultime espace de liberté. Phèdre aime Hippolyte et cet amour coupable l’entraine irrémédiablement vers la mort, puisqu’elle est l’épouse de Thésée, puisqu’il est son beau-fils. Elle avouera par trois fois sa passion, et par trois fois scellera son destin… Hippolyte garde au cœur lui aussi un secret, qu’il finira par laisser échapper. L´un et l´autre succombent à la tentation de la parole, nomment leur désir et leur faute ; l´un et l´autre, en taisant leur face-à-face, se font complices d’un même secret fatal.

Une tragédie du silence

Jean-Louis Martinelli poursuit ici l’exploration de l’œuvre de Racine, commencée en 2003 avec Andromaque puis Bérénice puis Britannicus. Sa version de Phèdre reste de bonne facture mais sans doute fut-il plus inspiré qu’aujourd’hui. Son analyse cependant ne manque pas d’attiser l’intérêt : « Je lis dans cette pièce un essai sur la douleur intime et le dérèglement des sens provoqué par la maladie mentale. Racine livre la chronique d’une mort en direct. Deux dépressions se font écho, celle de Phèdre et celle d’Hippolyte. L’un comme l’autre cherchent leur autonomie mais sont empêchés par la figure tutélaire du père, qu’elle soit de l’ordre du surmoi pour elle ou de la présence réelle pour lui. Ils sont enfermés et séparés d’eux-mêmes. » explique-t-il. De cette lecture, peu transparaît sur le plateau. Reprenant le dispositif bi-frontal de Bérénice dans une scénographie très épurée où le noir se frotte au rouge, la mise en scène reste d’un prudent classicisme, engoncé par les mièvres drapés féminins ou la grandiloquence virile des costumes. Un peu plombé aussi par l’inégalité de la distribution. Certes, chez certains, le vers racinien brille avec clarté et ne souffre d’aucune affèterie ; certes, la précision des gestes et des lumières, la distance et l’attraction des corps savamment réglées font sens. Anne Sueres apporte à Phèdre sa sensualité parfois presque enfantine, sème le trouble chez un Hippolyte incarné avec sensibilité par Mounir Margoum. Sylvie Milhaud surtout, bouleversante par l’évidence naturelle de son jeu, révèle chez Oenone une bonté froissée, une humanité blessée à mort.

Gwénola David

A propos de l'événement

Phèdre
du vendredi 8 novembre 2013 au vendredi 20 décembre 2013
Théâtre Nanterre-Amandiers
7 avenue Pablo Picasso 92022 Nanterre.

Tél. : 01 46 14 70 00. Jusqu’au 20 décembre 2013, à 20h30, sauf dimanche à 15h30, relâche lundi. Durée : 2h20.
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