L’Oubli des Anges
Après Pazzi l’an dernier, la compagnie [...]
Patrick Roldez met en scène le terrifiant huis clos psychologique imaginé par David Mamet, où une jeune étudiante affronte son professeur. Parabole tragique sur les enjeux du capital symbolique !
« Les individus des classes défavorisées ont la possibilité formelle de passer les plus hauts concours, mais ils n’ont pas la possibilité réelle d’user de cette possibilité formelle. », remarquait Pierre Bourdieu. Et quand ils échouent, la blessure narcissique peut les transformer en monstre vengeur… Telle est l’hypothèse qu’illustre David Mamet dans Oleanna, épouvantable confrontation entre une jeune étudiante introvertie et son brillant professeur, où les rapports de domination conduisent à la chute du dominant trop sûr de lui. Tout commence dans l’ambiance feutrée d’une hiérarchie universitaire à la fois méprisante et débonnaire. John reçoit Carol, venue discuter d’une mauvaise note qui risque d’interdire la validation de son année scolaire. Les choses pourraient se terminer de façon heureuse, comme dans My fair Lady, mais les pygmalions ne sont jamais à l’abri de la haine de leurs créatures…
Lutte entre deux aveuglements
La pièce bascule : « extraits de leur contexte, relus à l’aune d’une souffrance dévastatrice, utilisés par des groupes de pression – aux accents intégristes, religieux et féministes –, les mots de John risquent maintenant de lui valoir le pire. », explique Patrick Roldez. Le metteur en scène choisit Marie Thomas et David Seigneur pour incarner cette lutte « entre deux totalitarismes. D’abord, celui d’une pensée omnipotente – un monde dont Mamet dit à la fois la grandeur et la vanité périlleuse. De l’obscurantisme ensuite, d’un puritanisme qui voudrait figer le monde et en nier la complexité toute humaine – un monde inconsciemment défendu par Carol. » Un thriller sur fond d’analyse sociologique, occasion d’un bouleversement réflexif aussi inattendu que jubilatoire.
Catherine Robert
Après Pazzi l’an dernier, la compagnie [...]