« Joséphine » et « Le Sacre du printemps » sur des chorégraphies de Germaine Acogny et Pina Bausch
Le Théâtre des Champs-Élysées ouvre sa saison [...]
La chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues crée une nouvelle fois l’événement avec cette création pour neuf interprètes et autant d’états de corps saisissants, qui disent les forces du monde impactant nos existences et la résilience encore possible.
D’un magma, un peuple qui se dresse : c’est l’effet de la première partie de Borda, une fresque monochrome qui puise sa puissance dans son installation même. Voici d’abord un décor qui se devine dans la pénombre, tout en volume blanc mat. Il faut un regard scrutateur pour l’observer se mouvoir et déceler la lente érection d’une forme – informe ou protéiforme, c’est selon – jusque filandreuse. Plastiques et tissus s’enchevêtrent en silence et ce sont des corps sans visages qui semblent constituer cette lave qui s’étire dans le temps et dans l’espace. Petit à petit, des tableaux se créent, presque de talc ou de plâtre, et les corps prennent vie en arrêts sur images à la composition chaque fois saisissante. L’humanité se dévoile ensuite, en faces de rictus, yeux exorbités, onomatopées, aux gestes organiquement reliés par une immense bâche telle un fascia dans un seul corps mouvant. Ces figures d’abord fantomatiques, sans classe, sans race, aux attributs grossiers, nous interpellent. Elles mettent en marche notre imaginaire, comme issues d’on ne sait quel tableau, presque cousines des personnages de May B, pièce de Maguy Marin dansée par Lia Rodrigues à ses débuts. Comment ces bannis, ces corps empaquetés, difformes et débordants, peuvent-ils nous troubler autant ?
Le choix de Lia : essayer encore, et déterrer la lumière
Sans nul doute, la chorégraphe sait comment dégager l’humanité dans l’informe, transformer un ballot de tissu un poupon de chiffon, sortir une ritournelle de la sauvagerie, faire rimer détresse avec délicatesse. Mais quand l’engloutissement – à la faveur d’une ronde où tous s’affairent à la chaîne avec cette bâche toujours plus éprouvante – devient l’échappatoire, Lia Rodrigues choisit de réécrire l’histoire. Remettre l’ouvrage sur le métier. Retisser les hypothèses. Repousser les frontières. À travers une démarche assumée de recyclage de matériaux, qu’ils soient chorégraphiques ou scénographiques, et de renvoi à Fúria (2018) et à Encantado (2021) dont Borda vient clore le cycle, Lia Rodrigues opte pour la résilience. Essayer encore ! semble-t-elle nous dire. Alors, elle fait se lever une deuxième fois ce peuple, laissant apparaître qui une étoffe rouge, qui un top tout en strass, puis une véritable chorégraphie du costume. Au rythme de la percussion, les corps s’essayent à une nouvelle liberté, qui passe par le toucher et les différentes manières de se tenir ensemble. Faire corps, quitte à former des animaux à trois têtes, des divinités inconnues, des corps délirants, dans une interpellation face public toujours plus carnavalesque… Surgit un défilé de couleurs, de paillettes, de coiffes, de postiches hors d’un fatras que l’on croyait si terne et qui révèle pourtant d’incroyables trésors. La jouissance des corps est bel et bien là, certes sur le qui-vive. Car on ne peut faire fi de l’épisode passé. Des limbes traversés. Des ballots transportés ou des vomissures qui persistent. Mais reste une dernière image, où la danse, en majesté, offre toujours plus de sequins, toujours plus de brillance, toujours plus de beauté et de puissance, malgré tout.
Nathalie Yokel
Biennale de la danse de Lyon, Maison de la Danse, 8 avenue Jean Mermoz, 69008 Lyon. Le 8 septembre à 19h30. Tél. : 04 72 78 18 00.
Le Centquatre-Paris, 5 rue Curial, 75019 Paris. Du 12 au 17 septembre à 21h, relâche le lundi. Tél : 01 53 35 50 00.
Chaillot, Théâtre national de la Danse, 1 Place du Trocadéro, 75116 Paris. Le 19 septembre à 19h30, le 20 à 17h, le 21 à 15h. Tél : 01 53 65 30 00.
L’Azimut, Théâtre La Piscine, 254 av de la Division Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry. Le 24 septembre à 20h30. Tél : 01 41 87 20 84. Dans le cadre de la Saison Brésil-France 2025 et du Festival d’Automne à Paris.
La Comédie de Valence, place Charles Huguenel, 26000 Valence. Les 2 et 3 octobre à 20h. Tél. : 04 75 78 41 70.
La Comédie de Clermont-Ferrand, 69 boulevard François Mitterrand, 63000 Clermont-Ferrand. Les 6 et 7 octobre à 20h. Tél. : 04 43 55 43 43.
Spectacle vu à la Biennale de la danse de Lyon.
Le Théâtre des Champs-Élysées ouvre sa saison [...]