La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

LES FAUSSES CONFIDENCES

LES FAUSSES CONFIDENCES - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DE L’ODEON
Isabelle Huppert et Louis Garrel dans Les Fausses Confidences. Crédit photo : Pascal Victor

Reprise / Théâtre de l’Odéon / de Marivaux / mes Luc Bondy

Publié le 17 avril 2015 - N° 232

Luc Bondy reprend Les Fausses Confidences avec sa pléiade de brillants acteurs, choisissant un traitement romanesque de l’intrigue, avec une diction contemporaine et une gestuelle déliée.

Art de l’esquive et de la parade, le tai chi est, d’après les idéogrammes, une boxe contre l’ombre. L’Araminte d’Isabelle Huppert, élégante et raffinée, canalise son énergie par ce biais au début du spectacle. Les arabesques de cette discipline martiale annoncent l’ambiance dans laquelle va se nouer et se dénouer l’intrigue : sans affrontement véritable, dans la maîtrise de soi et l’évitement stratégique des conflits. Chez Marivaux, la manipulation use des effets psychologiques de la suggestion ; la langue est la seule arme qui vaille pour parvenir à ses fins et conquérir l’objet de son désir. Ceux qui choisissent l’attaque frontale et la sincérité perdent, face aux machinations rhétoriques et mentales des manipulateurs du verbe : ainsi Madame Argante (désopilante Bulle Ogier en maquerelle de l’ascension sociale, aspirant à marier l’argent de sa fille avec le titre du Comte Dorimont), ou Marton (poignante Manon Combes), trop naïve pour démêler les rets des coquins. Le maître du jeu est le valet Dubois, auquel Yves Jacques offre une inquiétante figure méphistophélique, cigarette inquiète à la bouche et mèche virevoltante balayant un front fertile en expédients.

Chic et distinction

La beauté et la prestance de Louis Garrel font merveille pour camper Dorante, bien fait, à défaut d’être bien doté. Sorte de Frédéric Moreau avant l’heure, il ressemble à ce « bâtard moyen » qu’analyse Marthe Robert, mieux disposé au rêve qu’à l’action, éperdu d’amour pour Araminte, et pantin pantelant dont Dubois tire les ficelles. Face à sa séduisante figure d’amoureux un peu gauche, se tient Isabelle Huppert, bourgeoise à la tête froide, que la mise en scène modernise en femme d’affaires à l’agenda et au bureau surchargés. Dans un décor aux éléments mobiles qui suggère la perte des repères qu’impose le jeu de dupes aux personnages, Isabelle Huppert virevolte avec grâce, comme une proie déjà acquise au chasseur, si joli garçon. Araminte s’emploie à ce que le désir se dise, et force Dorante à l’aveu, avec cet art de l’équilibre entre force et fragilité que la comédienne maîtrise, comme toujours, avec un rare talent. La troupe harmonieuse réunie par Luc Bondy est composée d’acteurs accomplis ; le décor de Johannes Schütz est élégant et la mise en scène de Luc Bondy est fluide et distinguée : tout concourt à faire de ce spectacle un parangon du copurchic.

Catherine Robert

A propos de l'événement

LES FAUSSES CONFIDENCES
du vendredi 15 mai 2015 au mercredi 17 juin 2015
THEATRE DE L’ODEON
Place de l'Odéon, 75006 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h ; dimanche à 15h. Tél. : 01 44 85 40 40. Durée : 2h.

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