Classique / Opéra - Entretien

Les croisements du Bosphore

Les croisements du Bosphore - Critique sortie Classique / Opéra Saint-Sulpice-de-Favières Eglise de Saint-Sulpice-de-Favières


Entretien avec Denis Raisin Dadre et Kudsi Erguner

Comment est née l’idée de faire dialoguer ces musiques si différentes pourtant composées à la même époque…
Kudsi Erguner : Le projet est avant tout lié à la prise d’Istanbul en 1453, qui marque à la fois l’origine de l’ère Ottomane et de la Renaissance. C’est un dialogue entre deux musiciens : nous nous sommes mis en accord sur le fait que nous ne souhaitions pas faire de fusion, ni d’exposition académique de nos répertoires. Notre passion de l’histoire et de la musique est à la source de cette rencontre qui nous a permis d’actualiser nos répertoires historiques. Mon ensemble, spécialisé dans les musiques savantes et soufi de l’époque ottomane, a déjà réalisé de multiples projets de rencontre avec d’autres genres et d’autres disciplines, comme le flamenco, la musique indienne, le jazz, la musique classique, la musique japonaise, la musique byzantine, ainsi que la danse et le théâtre.

Denis Raisin Dadre : Géographiquement, nous savons que les deux styles de musique ont cohabité. Notre idée était simplement de savoir si la communauté musulmane, après la prise de Constantinople, et la communauté chrétienne italienne et française, restée en face sur la colline de Péra, avaient également pu échanger musicalement.

K.E. : Un des principes qui nous met en harmonie avec Denis est que chacun garde son originalité, ce qui, à mon sens, fait la particularité de ce projet.

« La musique est un art qui peut lier le passé et le futur autour du temps présent » Kudsi Erguner

Qu’attendiez-vous, sur un plan strictement musical, de cette « confrontation », de cette « conversation »?

D.R.D. : Il est toujours passionnant de confronter des musiques comme les nôtres, transmises par l’écrit, avec des musiques dont une partie de la transmission est orale. Cette rencontre nous apporte spontanéité et liberté dans nos modes de jeu.

K.E. : Le terme de conversation est plus adaptée à notre démarche.
Je pense que nous vivons une époque où tout tend vers l’uniformisation. Nos pensées, nos expressions artistiques, sont de plus en plus formatées. A travers ces conversations, nous espérons offrir au public une autre façon d’envisager et d’apprécier les musiques anciennes, tout en respectant ses formes. Car je pense que la musique est un art qui peut lier le passé et le futur autour du temps présent.
Votre volonté semble autant d’éclairer les différences que les échanges et influences réciproques. Dans un monde où les dialogues entre Nord et Sud, Orient et Occident, sont souvent difficiles, un tel projet artistique est-il de nature, selon vous, à offrir quelques clés nouvelles de perception du monde contemporain?

K.E. : Les dialogues entre le Nord et le Sud ou l’Orient et l’Occident n’en étaient pas vraiment, historiquement, puisqu’ils favorisaient l’assimilation. Par conséquent, nous faisons face à un Orient complexe, puisqu’il n’est que partiellement occidentalisé, et que l’Europe semble à mon sens se fermer sur ses propres valeurs. Si la mondialisation a d’abord été un phénomène économique et politique, elle devient culturelle et favorise un modèle « occidental », gommant par conséquent certaines particularités, certaines valeurs, ou encore certains goûts. Nous tentons nous-mêmes, avec notre projet, de restaurer ces particularités. L’harmonie culturelle du 15ème siècle à Istanbul, marquée avant tout par le respect des différences et par les échanges entre diverses communautés et religions, est un exemple à souligner.
D.R.D. : Puisse ce projet prouver, s’il en était besoin, que la civilisation ottomane est une immense civilisation et que sa musique est admirable ! Après un concert, un auditeur m’a dit un jour : « j’étais contre l’entrée de la Turquie dans l’Europe, votre concert m’a fait changer d’opinion ! »

Propos recueillis par Jean Lukas.

A propos de l'événement


Festival d’Île-de-France
du samedi 22 septembre 2012 au samedi 22 septembre 2012
Eglise de Saint-Sulpice-de-Favières
Eglise Saint-Sulpice-de-Favières (91)
Samedi 22 septembre à 20h45 à l’Eglise Saint-Sulpice de Favière (91). Tél. : 01 58 71 01 01. Places : 13 à 18 €.

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