La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Couteaux dans le dos

Les Couteaux dans le dos - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : 2009 ifou pour lepolemedia Légende photo : Pierre Notte fait virevolter des comédiennes pétillantes.

Publié le 10 octobre 2009

Pierre Notte, tout en acidité et en tendresse, met en scène cinq comédiennes sympathiques et délurées et explore les affres de la vie familiale et les chemins qui permettent d’y échapper.

Il y a un côté « pauvre petite fille riche » dans l’écriture de Pierre Notte, et comme une forme de décalage élégant entre le dandysme métaphysique et la tendresse cynique. Des références de bon élève ou de fervent lecteur et des coups de pied de sale gosse cassant ses jouets. Du sérieux face à l’angoisse et des pirouettes de farfadet. Un art agaçant de la distanciation continuelle mâtiné de fulgurances en des aphorismes époustouflants de justesse. Des yeux embués de larmes et le rictus goguenard de celui qui a trop souffert pour se laisser aller aux sanglots… Une posture un peu dilettante, que l’élégance retient sur la pente du ridicule. Un peu champagne et un peu gueule de bois, un Musset à la sauce Cloclo, trop léger peut-être pour qu’on ne soupçonne pas derrière le masque fringant et l’ironie constante, la profondeur désespérée d’un malheureux enfant du siècle. Sa dernière pièce, Les Couteaux dans le dos, emprunte à cette esthétique de l’oxymore déjà à l’œuvre dans ses précédents textes.
 
Cinq comédiennes pour une farce attendrie
 
Marie (remarquable et intense Jennifer Decker) a horreur qu’on la touche. Pas étonnant : ses parents, ses enseignants et tous les balourds d’adultes qui l’entourent ne mesurent pas vraiment la différence entre la caresse et la gifle. Ils s’inquiètent mal, aiment de travers et seul le fantôme de Clémence sait poser sur les vilaines plaies que Marie dessine au couteau sur ses mains le baume consolateur de mots intelligents. Marie se lance dans un parcours initiatique qu’éclaire la lumière de l’amour d’un petit gardien de phare, égratigné lui aussi, lui aussi enfant trop pur de parents trop épais. La bande joyeuse et dynamique que composent les comédiennes réunies par Pierre Notte sur scène, s’empare avec talent, abattage et esprit de ce texte tout en brio. La mise en scène de l’auteur est vive et alerte, le jeu distancé permet à l’humour de s’accommoder du drame, et ce joli conte pour enfants pas sages est ficelé avec une énergie virevoltante et gracieuse. Marie Notte est bouleversante en Clémence et la petite sœur, qu’on avait déjà vue interpréter les œuvres de son frère, éclate ici d’un vrai talent rond et sûr de ses effets. Flavie Fontaine, Manon Heugel et Caroline Marchetti complètent une distribution de drôles de sacrées petites bonnes femmes, amusantes, émouvantes et précises, pas dupes, pas prétentieuses et pourtant charismatiques. L’ensemble compose une tragédie en forme de pochade, un drame aux allures de blague, un spectacle pas sérieux et pourtant lumineux, qui a le goût des bocks et de la limonade rimbaldiennes…
 
Catherine Robert


Les Couteaux dans le dos, texte et mise en scène de Pierre Notte. Du 18 août au 10 octobre 2009. Du mardi au samedi à 21h30. Théâtre des Déchargeurs, 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris. Réservations au 08 92 70 12 28. Rappel : Uns saison nottienne aux Déchargeurs : J’existe (foutez-moi la paix), spectacle conçu par Pierre Notte. Théâtre du Rond-Point en octobre 2009. Le Cabaret des familles, spectacle conçu par Pierre Notte. Décembre 2009. Bidules, trucs, spectacle jeune public rêvé par Pierre Notte. Janvier 2010. Le Cabaret nottien, spectacle imaginé par Marie Notte à partir des textes de Pierre Notte. Février 2010. Moi aussi, je suis Catherine Deneuve, texte de Pierre Notte, mise en scène de Vladimir Petkov. Avril 2010.

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