Buchettino par la Societas Raffaello Sanzio
La Societas Raffaello Sanzio emporte petits [...]
A cheval entre théâtre naturaliste et fable symbolique, L’Enfant-drame rural propose une réflexion sur le cheminement du Mal, mais ne parvient pas à trouver les voies de l’émotion.
Né d’un collectage de paroles de femmes entrepris par l’auteur au cours d’une résidence à Saint-Antoine l’Abbaye, en Isère, L’Enfant Drame rural a grandi sur le terreau des histoires de villages, celles qui par la magie de l’oralité transforment les histoires individuelles en légendes régionales. L’histoire de l’enfant dont il est question ici commence d’ailleurs de manière bien intemporelle : il est abandonné dès sa naissance sur le pas d’une porte. Retrouvé devant sa maison par l’idiote du village, à qui, quelque vingt ans plus tôt, on a déjà retiré sa propre progéniture, le “Petit Revenu “, comme elle l’appelle, est cette fois confié au maire. Mais, afin de ne pas laisser enfler de rumeur dans le village sur son éventuelle paternité, celui-ci, qui vise la députation, décide de le donner à sa sœur, qui, détestant trop sa mère pour aimer les enfants, relègue ensuite l’encombrant paquet à sa femme de ménage, en ménage avec un séduisant maçon. Ce dernier refuse cependant le “cadeau“ pour des raisons personnelles et politiques, si bien que l’enfant revient finalement entre les mains de l’idiote qui s’enfuit avec lui dans la forêt.
Les différents territoires sur lesquels le Mal fleurit
Le problème qui se pose d’emblée dans cette ronde est celui de la vraisemblance. L’auteure a beau soigner les motivations de chaque personnage, chacun d’entre eux paraît guidé par les fins quelque peu didactiques du récit et peine par conséquent à prendre chair. Figures typiques, la mère envahissante, la vieille séductrice alcoolique, la rêveuse femme de ménage ou le chasseur qui passe son temps au bar sont plus là pour signifier que pour exister. Soit. Le théâtre se passe d’autant plus aisément du vraisemblable qu’il donne à jouir de l’artifice. Après être passé de mains en mains, l’enfant lui-même énonce à haute voix, avec un certain humour : « je n’ai toujours pas crié, ni pleuré ». Mais coincés dans le genre éminemment réaliste de la chronique, les comédiens ne parviennent pas à nous emmener ailleurs. Restent une mise en scène élégante et une écriture spirituelle, qui ne cède pas au manichéisme et parcourt les différents territoires sur lesquels le Mal fleurit. Cet enfant abandonné soulève dans cette histoire le couvercle des secrets qui pèsent sur les villages grands comme des familles. Parfois, on pense à Chabrol. Puis à La Traque de Serge Leroy. A la fin, l’innocence meurt ou doit s’exiler. En tout cas, elle part en fumée. L’épilogue apocalyptique amenant les versets de Sodome et Gomorrhe est là pour le souligner.
Eric Demey
La Societas Raffaello Sanzio emporte petits [...]