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Théâtre - Entretien

A VOIR SUR VOTRE ECRAN L’Ecole des femmes mise en scène Stéphane Braunschweig

A VOIR SUR VOTRE ECRAN L’Ecole des femmes mise en scène Stéphane Braunschweig - Critique sortie Théâtre Paris Odéon-Théâtre de l’Europe
© Simon Gosselin

Théâtre de l’Odéon / de Molière / mes Stéphane Braunschweig

Publié le 18 mars 2020 - N° 285

Le Théâtre national de l’Odéon met en ligne sur son site le lien suivant pour découvrir  sur vos écrans la mise en scène de Stéphane Braunschweig : https://vimeo.com/327310297.  Pour sa troisième plongée dans le théâtre de Molière,  il met en scène L’Ecole des femmes avec, dans les rôles d’Agnès et d’Arnolphe, Suzanne Aubert et Claude Duparfait. 

Après Le Misanthrope et Le Tartuffe, vous créez aujourd’hui L’Ecole des femmes. A travers ces trois pièces, quel parcours dans le théâtre de Molière avez-vous le sentiment d’effectuer ?

Stéphane Braunschweig : J’effectue en effet un parcours dans le théâtre de Molière, mais aussi un parcours avec un acteur. Car c’est Claude Duparfait qui, après avoir interprété le rôle d’Alceste dans Le Misanthrope et le rôle d’Orgon dans Le Tartuffe, incarne aujourd’hui Arnolphe dans L’Ecole des femmes. Mon projet de mettre en scène cette pièce est indissociable de mon envie de le voir interpréter Arnolphe. Mais pour créer L’Ecole des femmes, il me fallait aussi une Agnès. J’ai rencontré Suzanne Aubert à l’occasion de ma mise en scène du Canard Sauvage. Je me suis alors dit que j’avais trouvé le couple qu’il me fallait. Comme toujours, dans un projet de théâtre, il y a une relation à un auteur, une relation à des acteurs et une résonnance particulière avec une époque. Tant que ces trois éléments ne sont pas réunis, le projet ne peut se faire. Pour en venir au parcours que j’effectue dans l’œuvre de Molière, j’essaie, de pièce en pièce, d’éclairer toujours plus profondément la façon dont certains de ses personnages s’indignent du monde comme il va. C’est bien sûr le cas d’Alceste, mais aussi, sur un mode plus réactionnaire, d’Orgon et d’Arnolphe.

Outre l’indignation, qu’est-ce qui relie ces trois personnages ?

S.B. : Une forme de souffrance générée par la façon dont le monde fonctionne. Pour tenter d’échapper à cette souffrance, ces trois personnages vont se projeter dans des utopies visant, d’une certaine façon, à soigner le monde. Pour Arnolphe, cette utopie revient à se transformer en pygmalion, à prendre pour épouse une jeune femme qu’il a pratiquement choisie au berceau. Il l’a ensuite fait enfermer au sein d’un couvent afin de l’élever dans l’ignorance du monde extérieur. Comme Alceste et Orgon, Arnolphe va droit dans le mur. Le dessein qu’il élabore confine à une forme de folie. Cette folie est à la fois pleine de drôlerie – L’Ecole des femmes est bien sûr une comédie – mais aussi de noirceur, car le discours d’Arnolphe est glaçant. Ce discours résonne de façon particulière avec la libération de la parole des femmes que nous vivons actuellement.

« Claude Duparfait est un acteur qui raconte formidablement les êtres angoissés. »

 En définitive, qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de cette pièce ?

S.B. : Les situations de L’Ecole des femmes sont finalement assez basiques, beaucoup moins complexes que celles du Tartuffe, par exemple. Mais elles nous emmènent tout aussi loin. C’est une pièce très particulière. Elle est, d’une certaine façon, construite comme un grand monologue d’Arnolphe au sein duquel interviennent les autres personnages…

Pour quelles raisons Claude Duparfait vous est-il apparu comme une évidence pour le rôle d’Arnolphe ?

S.B. : C’est un acteur qui raconte formidablement les êtres angoissés. Il porte en lui toutes les peurs de Molière : la peur des femmes, la peur d’être cocu, la peur de son propre désir… Claude Duparfait parvient à rendre tout cela vivant en étant incroyablement drôle. Il incarne ainsi à la fois l’angoisse et la drôlerie de Molière. En cela, c’est comme s’il était lui-même Molière !

A travers ce comédien et Suzanne Aubert, quelle lecture faites-vous du couple Arnolphe/Agnès ?

S.B. : Si l’on dispose d’un grand acteur pour interpréter Arnolphe, la réussite de la pièce est assurée pour moitié. L’autre moitié est dans les mains d’Agnès. Mais il s’agit d’une moitié en trompe-l’œil. Car en réalité le rôle d’Agnès est assez réduit. C’est pourtant bien autour d’elle que tout se cristallise. Agnès est bien sûr un objet de désirs, mais c’est aussi un être à part entière. C’est cette chose-là qui me touche beaucoup dans cette pièce. Molière montre que quelle que soit la façon dont est considéré l’autre – ici, comme un morceau de cire que l’on essaie de façonner – l’autre peut ne pas accepter de se laisser enfermer dans une case. Car chacun a sa propre vie, sa propre réalité. Pour moi, le grand enjeu de L’Ecole des femmes est ainsi de conférer une existence propre à Agnès. C’est-à-dire de rendre compte à la fois de la façon dont elle est un objet de fantasmes et de la façon dont elle échappe à ce à quoi on voudrait la réduire.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

A VOIR SUR VOTRE ECRAN L’Ecole des femmes mise en scène Stéphane Braunschweig
du vendredi 9 novembre 2018 au samedi 29 décembre 2018
Odéon-Théâtre de l’Europe
place de l’Odéon, 75006 Paris

A VOIR SUR VOTRE ECRAN : https://vimeo.com/327310297

 

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