Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, mise en scène Anne Consigny
Anne Consigny adapte, met en scène et [...]
Christelle Harbonn met en scène une traversée voyageuse, entre Marrakech, Jérusalem et Paris, entre 1890 et 2020. Une épopée sensible et délicate autour d’identités trouées, qui s’efforcent de faire lien.
En hébreu et en arabe, le sel se traduit presque par le même mot. Et c’est aussi ce mot qui désigne les quartiers juifs des villes marocaines : le Mellah. C’est dans celui de Marrakech que naît l’histoire voyageuse, qui traverse le temps et les frontières, et nous parvient par une succession de dialogues, un entrelacs de vies et liens familiaux ou amoureux marqués par l’exil et la dislocation. Rien de linéaire dans le déroulé de la pièce, mais plutôt des tentatives de compréhension d’un réel complexe, des signes, des affects, des émotions contradictoires et des désirs empêchés qui tentent malgré tout de se frayer un chemin. Soit une création tout en délicatesse et finesse, dans la lignée de la compagnie Demesten Titip, anagramme des mots « identité » et « temps », qui se plaît à explorer des personnages plus singuliers qu’héroïques, en proie à des failles et fêlures, souvent hors cadre et hors norme. Comme par exemple Jésus Barsheshet, premier personnage à prendre la parole, qui vit à Paris avec son compagnon israélien Amit. Jésus désire partir à Marrakech et Jérusalem afin d’en apprendre un peu plus sur son histoire familiale et s’efforcer de combler les trous de sa mémoire.
Les exils et la saveur du thé à la menthe
« Je ne sais même pas ce que je cherche, et je cherche quand même » écrit-il à Amit depuis Jérusalem. « Ici, tu ne peux pas penser une chose sans que son contraire te bondisse dessus » confie-t-il. Tout a commencé par l’histoire d’amour du juif Ephraïm et de la musulmane Efrat, les ancêtres de Jésus, à la fin du XIXe siècle au Maroc. La légende raconte qu’Ephraïm a voyagé jusqu’à Jérusalem à dos d’âne afin de devenir rabbin. Au fil de l’avancée du spectacle, d’intrigants pas de côté et d’étonnantes aspérités émergent, ouvrant de nouvelles perspectives. Ce qui fait lien comme ce qui manque structurent la représentation, servie par une belle scénographie de Sylvain Faye. Michaël Charny, Tamara Saade et Gilbert Traïna interprètent une quinzaine de personnages, mais malgré ce foisonnement et l’intrigue alambiquée, la pièce, jamais confuse, demeure parfaitement lisible. Construction en mouvement empreinte d’onirisme et ouverte à l’autre, elle s’élève contre les illusions et les certitudes figées.
Agnès Santi
à 13h15, relâche les 13 et 20 juillet. Tél. : 04 90 85 12 71. lamanufacture.org Durée : 2h10, voyage navette aller-retour compris. Spectacle vu à La Criée – Théâtre national de Marseille.
Anne Consigny adapte, met en scène et [...]