Au Fil d’Œdipe, Tentative de démêlage du mythe
Après Une Antigone de papier, Tentative de [...]
La jeune metteuse en scène met en regard deux petits vaudevilles tchekhoviens qui ravissent par leur férocité comique.
« L’artiste doit être un témoin impartial… le littérateur doit être aussi objectif que le chimiste. » disait Tchekhov. Dans ses pièces en un acte, l’écrivain cisèle au scalpel son sujet, comme autant d’études du genre humain qui jamais ne masquent la réalité sordide, ni la trivialité ou la méchante veulerie, mais qui montrent aussi l’infini des désirs, le tourment des âmes et la désespérance errant sous la bruine du quotidien. « Par désœuvrement, j’ai écrit un petit vaudeville bien creux, bien franchouillard, qui s’appelle L’Ours… », écrivait-il au poète Iakov P. Polonski, dans une lettre en date du 22 février 1888. Loin d’une œuvre mineure, il nous donne en fait une miniature qui condense son art en taillant à traits précis les torsades du cœur humain. Point de prolégomènes ici : il entre dans le vif de l’intrigue, sans plus de manières que le rustre de l’histoire qui s’invite dans la maison d’une veuve éplorée pour lui réclamer son dû, lui-même étant acculé à la ruine. Essuyant d’abord les salves misogynes de ce créancier hirsute, échaudée par bien des mésaventures amoureuses, prête à en découdre en duel au nom de l’égalité des sexes, la « créature poétique » révèle son caractère bien trempé … et le subjugue !
Farce irrésistible
Précédant cette farce irrésistible, Le Chant du cygne, autre pièce courte, livre les confessions d’un vieux comédien, qui dessaoule dans sa loge au milieu de la nuit en compagnie du souffleur. Il raconte les leurres de la gloire d’acteur, applaudi en scène, méprisé en ville. « Je n’étais qu’un esclave, un jouet pour oisifs, un pantin, un pitre. » constate-t-il avec amertume. Mais aussitôt la fièvre du théâtre le reprend et le voilà qu’il s’adonne aux scènes de bravoure qu’il n’a jamais pu interpréter. La jeune Maëlle Poésy rapproche ces deux textes, sans que l’écho de l’un à l’autre se fasse entendre, en dépit d’un décor commun. L’esthétique années 60, cuisine en formica, plantes en plastique, photos technicolors colées sur le frigo, comme on en trouve encore en rase campagne, n’apportent guère. Ni les effets d’anachronisme. La metteuse en scène en revanche a su guider avec finesse les acteurs du Français, Gilles David, Julie Sicard, Benjamin Lavernhe et Christophe Montenez. « En général, c’est beaucoup mieux d’écrire des petites choses que des grandes : peu de prétentions, et du succès. Que demander de plus ? » ajoutait Tchekhov. Rien !
Gwénola David
à 18h30, relâche lundi et mardi. Tél. : 01 44 58 15 15. Durée : 1h10.
Après Une Antigone de papier, Tentative de [...]