La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

La Situation de Bernard Bloch

La Situation de Bernard Bloch - Critique sortie Théâtre Bagnolet Théâtre L'Echangeur
DR L’auteur, metteur en scène et comédien Bernard Bloch.

texte et mise en scène Bernard Bloch

Publié le 16 décembre 2020 - N° 289

Bernard Bloch nous immerge dans une mosaïque de paroles, celles de gens de Jérusalem israéliens, palestiniens, juifs, musulmans, chrétiens, druzes… Un théâtre sensible qui, comme toujours chez cet homme de théâtre obstiné et talentueux, tend vers l’en commun, vers le possible d’un futur qui démentirait la certitude du pire. 

En quoi ce nouvel opus fait-il suite à votre précédent spectacle, Le voyage de D. Cholb ou penser contre soi-même*, enquête d’un « moi déplacé » autour du conflit israélo-palestinien  ?

Bernard Bloch : Le voyage de D. Cholb est en quelque sorte la préface de ce nouveau spectacle, qui ne s’écrit plus à la première personne, mais donne voix à la multiplicité des habitants de Jérusalem. Cette création est née elle aussi d’un voyage, que j’ai effectué grâce à la bourse Médicis hors les murs de l’Institut français. Je suis resté environ deux mois à Jérusalem entre février et avril 2016, où j’ai pu rencontrer la population la plus diverse possible, tant du point de vue de l’âge et du sexe que de celui des opinions et des croyances, afin qu’ils me parlent de leur ville. Les soixante personnes que j’ai contactées ont toutes été heureuses de raconter. Toutes et tous évoquent Jérusalem avec passion. Des passions souvent contradictoires. Que ce soit pour sa lumière exceptionnelle, pour des raisons religieuses, politiques ou autres, personne n’y vit par hasard. Qu’est-ce qui les attache à cette ville ? Comment voient-ils le futur ? J’ai mentionné avec eux un film de Fassbinder que j’aime beaucoup, L’année des treize lunes, où lors d’un rêve le personnage central découvre un cimetière où figurent des dates d’une durée de deux ans au plus. Soit les moments de bonheur de l’existence. Je leur ai demandé s’ils avaient envisagé ne serait-ce que cinq minutes dans leur vie que la paix soit possible. Les réponses à cette question furent très intéressantes…

« Le spectacle problématise l’idée d’identité. »

Comment avez-vous procédé pour adapter ces paroles à la scène ? Est-ce un théâtre militant que vous mettez en œuvre ?

B.B.: Disons plutôt un théâtre politique, un théâtre éloigné des certitudes, qui pose question plutôt qu’il apporte des réponses. Car justement sont à l’œuvre des paroles et non des discours, qui par définition reflètent l’idéologie de celui ou celle qui les tient. Toutes ces paroles, si elles demeurent ancrées dans le contexte géopolitique, sont nées de vies et d’histoires singulières. Dans une optique humaniste, les points de vue se contredisent, s’opposent, se complètent et s’enrichissent mutuellement. Sur les 60 entretiens initiaux, j’en ai conservé 22. Il a fallu couper, rassembler, choisir, réécrire. Je me suis employé à théâtraliser les échanges, à faire émerger ou souligner une tension dramatique. La création sera présentée en deux parties de deux heures chacune, pouvant être vues indépendamment l’une de l’autre.

Comment le spectacle s’est-il confronté à la question aiguë de l’identité, un sujet en vogue qui parfois mène ici et ailleurs à une hystérisation ?

B.B. : Ces questions d’identités – religieuse, culturelle, nationale, linguistique – sont au cœur des impasses rendant toute solution au conflit improbable. Le spectacle problématise l’idée d’identité, met en scène sa mise en cause, s’élève contre les assignations identitaires, qui ne se limitent d’ailleurs pas au Proche Orient, et gangrènent nos démocraties. Comme le dit un des personnages : « Contrairement à l’identité, la culture, ça se partage !» Sur le plateau, nous sommes 4 actrices, 5 acteurs et un musicien. Parmi eux, le questionneur B. Des femmes portent la parole d’hommes, des vieux portent celle de jeunes, et inversement. Nous ne cherchons pas à incarner, à faire croire que à la manière de Stanislavski, ni à montrer ou évoquer dans une visée brechtienne, nous voulons dans un sens presque ontologique invoquer : les comédiens se laissent habiter par la parole de l’autre, sans souci de plausibilité. Le plateau se fait agora emplie de voix plurielles, de portraits sensibles autour de « la situation » – Hamatsav en hébreu, Al Wad’eya en arabe.

Propos recueillis par Agnès Santi

*Lire notre critique La Terrasse n°259

A propos de l'événement

La Situation de Bernard Bloch
du mercredi 3 février 2021 au samedi 13 février 2021
Théâtre L'Echangeur
59 avenue du Général de Gaulle, 93170 Bagnolet

Partie 1 les 3, 5, 9 et 11 février 2021, Partie 2 les 4, 8, 10 et 12 février. Intégrale les samedis 6 et 13 février. Tél : 01 43 62 71 20.

Également du 18 au 21 mai 2021 à la Comédie de Saint-Etienne, entre le 24 et le 31 mai au Théâtre Dijon Bourgogne dans le cadre du festival Théâtre en mai.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre