La Visite d’Anne Berest
Anne Berest a écrit et mis en scène un [...]
Catherine Frot et Vincent Dedienne font alliance et composent un joli périple théâtral, absurde à la manière des surréalistes, mais aussi drôlement touchant. A voir !
La Carpe et le Lapin. La Reine et le Fou. Martha et Georges. Georges et Martha. Et bien d’autres personnages pétillants et extravagants, qui jouent de leurs différences tout en cultivant leur complicité, qui s’asticotent puis s’embrassent, qui saisissent quelques bribes de l’air du temps, quelques éclats de poésie, laissent voir aussi en filigrane quelques traits de la personne qui les incarne… Toujours avec humour. Avec une fantaisie réjouissante. Comme le suggère le titre, le mariage censément improbable entre Catherine Frot, comédienne toujours juste, éminemment populaire, et Vincent Dedienne, comédien talentueux à l’aise notamment dans le seul-en-scène, s’avère… très heureux. Alors qu’il se connaissent depuis peu, ils orchestrent avec finesse et précision les modalités de leur alliance et nous emportent sur le mode de l’absurde dans une très belle ballade théâtrale. Comme le stipule le prologue(un peu long) lors duquel Vincent Dedienne explique qu’il aurait dû y avoir un prologue, nous sommes conviés à une représentation en forme de jeu sans cartes, sans dés, sans logique : un cadavre exquis à la manière des surréalistes, procédant par associations aléatoires. Ou presque, car si les associations se révèlent souvent farfelues et inattendues, elles sont aussi librement choisies, et dessinent une sorte de fresque bigarrée, enchaînant de multiples épisodes sans lien de cause à effet. Un préalable : s’abandonner au plaisir confortable du spectateur, tranquillement assis dans l’obscurité, muet (à l’exception des rires), et admiratif devant le pari de cette exposition si risquée, qui ne se fonde sur aucune intrigue, qui repose uniquement sur l’écriture aventureuse et le jeu maîtrisé du duo. Quel métier en effet que celui de comédien, face à « tous ces yeux qui vous regardent » ! Comme le souligne Catherine Frot en citant Louis Jouvet, « on en est transformé »…
Exquis duo
Fabriquant une sorte de music-hall festif, parfois teinté de mélancolie et de nostalgie, mais très vite rattrapé par le rire, tous deux chantent aussi (surtout Catherine Frot), et fort bien. « Ça va mal aller pour l’humanité, vite, une petite chanson ! » clament-ils avec entrain lors d’une scène particulièrement réussie, à la fois comique et touchante, avant d’égrener une longue liste d’espèces disparues, qui recèle certains intrus. Tous deux manient joliment l’ironie, s’amusent d’oxymores, mêlent de grandes considérations existentielles et des moments d’enfance, convoquent quelques chers disparus, mais aussi Marie-Claude et son python chéri, ou un épisode culte du Dîner de cons… Avec au creux de la tête l’idée que le temps nous est toujours compté, qu’il faut essayer encore et encore comme nous le dit le grand Samuel Beckett, ils composent aussi une belle partition de citations, par Léopold Sédar Senghor, Walter Benjamin, Frédéric Dard, ou Christiane Taubira : « Pourquoi est-il devenu si facile de moquer et de haïr ? » Comme un laboratoire ou un cabinet de curiosités, la cage de scène nue révèle ses secrets mais garde son mystère. Surtout lors d’une silencieuse et superbe pluie d’étoiles…
Agnès Santi
du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 17h et 20h30, le dimanche à 16h. Tel : 01 42 08 00 32.
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