La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

La Boucherie de Job

La Boucherie de Job - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
Crédit photo : Ilaria Scarpa

La Commune / Texte et mise en scène Fausto Paravidino

Publié le 21 décembre 2015 - N° 239

Job, boucher honnête travailleur, s’était jour après jour épuisé à la tâche pour assurer bonne vie aux siens. Frappé par la faillite, il découvre les méthodes modernes de gestion qui déchirent ses dernières illusions sur la morale du monde. Dans La Boucherie de Job, l’auteur et metteur en scène italien Fausto Paravidino s’inspire de la parabole biblique pour écrire un conte contemporain sur le nouveau paradigme économique.

De 2011 à 2014, vous avez participé activement à l’occupation du Teatro Valle Bene Comune, un des plus prestigieux théâtres de Rome, pour le sauvegarder de la privatisation à la suite de coupes budgétaires sévères. Comment ce contexte s’imprime-t-il dans la pièce, créée à l’issue de cette occupation  ?

Fausto Paravidino : La menace pesant sur le Teatro Valle nous a amené à réinterroger le sens que nous donnions à notre activité théâtrale. L’urgence était d’expérimenter de nouvelles modalités de fabrication de l’art dramatique et de redonner au théâtre son rôle d’agora au sein de la cité, d’en faire un lieu de rencontres et de débats. La dépression économique que nous vivons depuis plusieurs années s’est ainsi imposée comme un thème majeur à aborder car, après l’effondrement de l’alternative communiste, elle témoigne d’une crise profonde du système capitaliste. Alors que le capitalisme avait assuré une progression du niveau de vie, les jeunes générations estiment aujourd’hui que leurs conditions d’existence seront plus dures que celles de leurs aînés. Il ne s’agit pas seulement d’aisance financière mais aussi de l’impact du libéralisme sur notre culture, sur la solidarité sociale, sur les rapports humains, sur les intimités.

« Redonner au théâtre son rôle d’agora au sein de la cité. »

Pourquoi avoir puisé votre inspiration dans le Livre de Job, tiré de la Bible ?

F. P. : C’est un des textes les plus anciens, fondateur de notre culture occidentale. Il raconte la crise de confiance d’un homme en son Dieu, s’interroge sur les raisons du mal qui le frappe injustement. Dans notre société déchristianisée, l’idée de Dieu a été remplacée par une morale du Bien, qui repose sur la croyance dans la valeur du travail honnête, de l’effort, du mérite. De nos jours, cette conception vacille. L’enrichissement peut venir de la spéculation sur la faillite de l’autre, qui rapporte plus que le travail. Pour essayer de mieux comprendre les processus à l’œuvre, nous avons rencontré des économistes mais aussi des philosophes, des théologiens et beaucoup discuté entre citoyens. Les contractions entre économies réelle et financière confrontent en effet les gens à la question morale, ce qui les ramène à la situation de Job.

A rebours de l’approche documentaire en prise avec l’actualité que vous aviez adoptée dans de précédentes pièces, notamment Gênes 01, vous passez ici par la parabole…

F. P. : J’ai en effet accompli le chemin inverse. J’ai ressenti le besoin du théâtre et des personnages pour raconter le présent. La métaphore permet la distance qui donne la possibilité à chacun de s’identifier tout en se protégeant. J’avais jusqu’alors développé une esthétique très réaliste, qui voulait imiter la vérité dans le but de montrer la « vraie » vie au public. Je cherche aujourd’hui la vérité dans l’acte théâtral, au-delà du réalisme. La mise en scène mêle au jeu la pantomime, le clown, le masque, la danse, pour tenter d’inventer un langage scénique plus allégorique.

Entretien réalisé par Gwénola David

 

A propos de l'événement

La Boucherie de Job
du vendredi 15 janvier 2016 au samedi 23 janvier 2016
Théâtre de la Commune
2 Rue Edouard Poisson, 93300 Aubervilliers, France

mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h et dimanche à 16h, relâche lundi. Tél. : 01 48 33 16 16. Spectacle en italien surtitré. Durée : 3h avec entracte. Le texte est publié aux éditions de L’Arche.

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