« La Roue de la vie », ou l’âme du Brésil portée par Antonio Interlandi et Mathieu El Fassi
Dans le cadre de l’année du Brésil, le [...]
« Ma mère ne venait pas dans ma chambre pour m’embrasser dans mon lit quand j’étais petit », voilà comment Jean-Jacques Vanier résume les 143 000 lignes d’À la recherche du temps perdu. Des dialogues d’anthologie et un humour maîtrisé pour un cours magistral hors norme.
On pense venir voir une pièce sur Proust et on se retrouve avec un prof qui nous raconte comment il a raté son bus. Enfin, d’abord il a attendu, plus d’une heure et demie, puis il s’est décidé à marcher, c’est à ce moment que le bus lui passe sous le nez ! Dedans, un double de lui-même le pointe du doigt et se moque. Il faut dire que c’est impossible à prévoir l’apparition d’un bus, c’est soumis à tellement d’aléas. Par exemple, imaginez que le conducteur meure au volant, le pied sur la pédale, comment réagiraient les passagers ? Voilà le genre de digressions auxquelles on peut s’attendre avant de se confronter à La Recherche (parce que oui, il finit par en parler). Là encore, il bloque sur les premières phrases « Longtemps, je me suis couché de bonne heure… ». L’occasion pour ce professeur décidément très libre vis-à-vis du programme, d’analyser la relation de Proust avec sa mère. En gros, Marcel manque de bisous, et quand il se pointe chez Gallimard avec son manuscrit, ils se battent pour savoir qui a les pires mommy issues. Le comédien alternera entre lecture du livre et tirades mémorables (celle sur le prénom « Yvette » est savoureuse), dans un esprit stand-up. On avance à peine de quelques pages mais pourquoi l’interrompre puisqu’il est si drôle, et qu’il lit si bien.
« La vie est trop courte et Proust est trop long »
Le rythme, l’expressivité, tout y est et la salle rit aux éclats. Jean-Jacques Vanier connaît son art, et se joue des attentes du public pour mieux le surprendre. Et puis, au fur et à mesure du spectacle, on comprend que l’on est en train d’assister à un génialissime cours sur Proust. Pris dans l’exubérance et les divagations absurdes du personnage, on vit, sans s’en rendre compte, une véritable expérience de lecture. La Recherche, c’est un monument auquel il faut s’attaquer équipé, un « Everest » nous dit-il. Entre les phrases à rallonge, l’imparfait du subjonctif et les allers-retours permanents entre passé et présent, on peut mettre des années à lire le premier tome. Vanier, lui, joue sur un comique de répétition et s’attarde, sous couvert de blagues potaches, à illustrer des points clés de l’œuvre. Ne reste plus que l’essence, ce rapport au temps qui redistribue les cartes en permanence, travaille la mémoire, désactive et réactive les plus secrets espaces de nos consciences. Et tout d’un coup, la métaphore de courir après le bus dans lequel on est soi-même apparaît bien plus claire…
Enzo Janin-Lopez
à 13h40, relâche les 8, 15 et 22 juillet.
Durée : 1h20
Tél : 0484510748
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