La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien

JEAN-CHRISTOPHE FRISCH

JEAN-CHRISTOPHE FRISCH - Critique sortie Classique / Opéra Paris Hôtel des Invalides
JEAN-CHRISTOPHE FRISCH

Interprètes engagés / INVALIDES / CACHAN

Publié le 23 octobre 2013 - N° 214

Les vingt ans de l’ensemble XVIII-21 Le Baroque Nomade

Ensemble visionnaire et unique dans sa façon de voyager dans l’espace et le temps, l’ensemble de Jean-Christophe Frisch lance le 21 novembre à l’Hôtel des Invalides la célébration, en 2014, de son vingtième anniversaire. Une saison de fête qui culminera avec la première le 13 févier du programme « Eloge de la Folie », coproduit par les deux théâtres de résidence de l’ensemble XVIII-21 Le Baroque Nomade : le Théâtre de Cachan et Le Phénix de Valenciennes. Entre temps, ces musiciens nomades auront joué à Montréal, Sao Paulo, Strasbourg, Turin, Bâle… 

« On chante mieux Lully ou Pergolesi quand on a côtoyé des artistes éthiopiens et philippins. »

L’ensemble Baroque Nomade a 20 ans. Quelle était votre vision de départ en créant l’ensemble ?

Jean-Christophe Frisch :Il y a 20 ans, j’avais voulu créer un ensemble où chaque musicien est un soliste, avec sa part de liberté, d’improvisation, et dont j’attends qu’il soit une force de proposition créatrice. Peu de temps après, la rencontre avec la musique classique chinoise a déterminé le destin du groupe, qui a dès lors invité des musiciens d’autres univers, de la Chine à l’Inde ou à la Transylvanie, qui travaillent de leur côté sur leur « musique ancienne ». Les relations entre les musiques baroques et orales m’avaient toujours semblé capitales, et plus que jamais, je crois que c’est de ces traditions que viendra le prochain renouvellement de l’interprétation des musiques anciennes, qui doivent renouer avec l’esprit de liberté de l’époque, plutôt qu’avec la lettre que partitions et traités nous ont léguée. C’est le hasard qui a fait de nous des nomades, mais nous n’avions pas imaginé à quel point les voyages dans l’espace nous aideraient à comprendre les voyages dans le temps. Le répertoire choisi au départ était le baroque italien, et il continue à être au centre de nos programmes, mais pas exclusivement.

Le mot « nomade » a une résonance forte et sonne comme une déclaration d’indépendance, une volonté d’affirmer une liberté, un désir de circuler hors des cadres…

Jean-Christophe Frisch :Vous touchez un point sensible. C’est vrai que je suis farouchement indépendant, et parfois cela coûte cher ! Je redoute les conservatismes, qui se nichent facilement dans les esprits, même le mien ! Mes modèles sont surtout contradictoires, c’est ça l’important. De Miles Davis à S. Subramanyam, de Marcel Pérès à Jean-Claude Malgoire. Mais aussi de Platon à Carlos Castaneda ! On dit de moi que je suis imprévisible mais je reste du côté du classique, même si je sais que notre interprétation du baroque nous permet de le rapprocher du public des musiques moins classiques. On nous accueille maintenant aussi dans des lieux plus « musiques du monde » que classique-classique. On joue dans des festivals spécialisés, mais aussi dans des salles pluridisciplinaires qui sont trop heureuses de décloisonner les publics. Parfois même, imaginez, nos concerts sont sonorisés !

Comment voyez-vous ou rêvez-vous les 20 prochaines années de l’ensemble?

Jean-Christophe Frisch :Il y a des tas de projets : partir dans l’Ile de Florès en Indonésie sur la trace des musiques portugaises, développer le répertoire musical de Chandernagor, un flash-back sur le baroque italien avec un travail sur les opéras de rue à Naples ou ailleurs…  J’en ai plein mes cartons des projets comme ça. Mais ce qui me préoccupe, ce sont les contraintes économiques. Le Baroque Nomade aurait besoin de véritables moyens de production, pour ne pas éternellement construire nos projets à l’arraché… Pour aller au bout des projets, il faut aussi le temps de les mener à bien, le budget pour payer les musiciens qui s’y engagent…  En vingt ans, on a créé un public, joué dans 35 pays, publié 20 CD. Il s’agit de construire sur ce socle. C’est le moment de transmettre. Transmettre à des musiciens ici, et là-bas. L’expérience accumulée, pas seulement par moi, mais aussi par exemple par Cyrille Gerstenhaber, la chanteuse du Baroque Nomade depuis des années, c’est le moment de l’enseigner à d’autre musiciens, d’autres chanteurs, qui voudront faire un bout de chemin avec nous, et découvrir pourquoi on chante mieux Lully ou Pergolesi quand on a côtoyé des artistes éthiopiens et philippins. Pourquoi on lit autrement les partitions et les traités du passé en découvrant que la musique chinoise est écrite, mais qu’on n’y joue pas plus ce qui est sur la partition que dans Corelli. D’ailleurs en chinois, on ne dit pas une « fausse note », on dit une « autre note ». Ce n’est pas du tout la même chose…

 

 

Propos recueillis par Jean Lukas.

A propos de l'événement

JEAN-CHRISTOPHE FRISCH
du jeudi 21 novembre 2013 au jeudi 13 février 2014
Hôtel des Invalides
129, rue de Grenelle 75007 Paris

Jeudi 21 novembre à 18h. Programme : « Le Siège de Québec ». Tél : 01 44 42 38 77. Théâtre de Cachan. 21, avenue Louis Georgeon, 94230 Cachan. Jeudi 13 février à 20h30. Tél. 01 45 47 72 41. Programme : Eloge de la Folie.  
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