La Pantoufle
Le Sublime Théâtre présente une pièce adaptée [...]
Gérard Watkins signe le texte, la musique et la mise en scène de Je ne me souviens plus très bien. Un spectacle créé au Théâtre du Rond-Point qui vaut essentiellement pour le talent de ses interprètes.
Le décor blanc, clinique, épuré (signé Michel Gueldry, qui crée également les lumières du spectacle), nous projette dans un espace mental pouvant aussi bien faire penser à une chambre d’hôpital, qu’à une cellule de laboratoire, ou qu’à n’importe quel autre lieu d’isolement, de confinement. Jouant la carte d’une intrigue mémorielle qui, scène après scène, dévoile les mouvements d’une ronde familiale, l’auteur et metteur en scène Gérard Watkins (lauréat, en 2010, du Grand Prix de littérature dramatique pour sa pièce Identité*) ouvre les voies labyrinthiques d’un esprit à la mémoire lacunaire. L’esprit d’un vieil homme qui se souvient d’une quantité impressionnante de choses liées aux événements de ce que l’on appelle « la grande Histoire », mais qui est incapable de se remémorer son nom de famille. Il dit qu’il s’appelle Antoine, Antoine D., qu’il a 96 ans, qu’il est historien, qu’il a deux enfants, mais c’est à peu près tout ce qu’il sait de sa propre existence. Pantoufles aux pieds, vêtu d’un pyjama rayé, il est interrogé par Céline Brest et Didier Forbach, deux individus en blouses blanches dont les objectifs et les motivations restent longtemps énigmatiques.
Une ronde familiale et mémorielle
Composant un tableau aux perspectives inégales – qui puise à la fois dans les zones mystérieuses d’une intrigue kafkaïenne, dans les effets faciles d’une comédie de café-théâtre, dans la solennité d’images d’archives renvoyant à certaines tragédies du XXème siècle… -, Je ne me souviens plus très bien tente de nous amener à réfléchir aux questions de l’identité, des origines, de la transmission. Sensible et sincère, la pièce de Gérard Watkins n’en reste pas moins un peu trop conceptuelle, se contenant d’aligner les termes de problématiques plutôt que de chercher à les explorer. Il manque à tout cela une forme d’équilibre, de fluidité. Et si ce n’étaient les remarquables performances de Philippe Morier-Genoud (Antoine D.), Fabien Orcier (Didier Forbach) et Géraldine Martineau (Céline Brest), cette « guerre familiale et secrète entre le XXIème et le XXème siècle », pour reprendre les mots de l’auteur-metteur en scène, tournerait probablement à vide. Rendons grâce aux trois comédiens : leur force d’incarnation confère justesse et nuances à un projet qui, sans cela, aurait du mal à retenir notre attention.
Manuel Piolat Soleymat
* Pièce publiée par Voix navigables Editions
Du mardi au samedi à 20h30, les dimanches à 15h30. Relâche les lundis. Durée : 1h25. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr