Madames
Balades au fil de la chanson française.
Avignon / 2014 - Entretien Mani Soleymanlou
Téhéran, Paris, Toronto, Ottawa, Montréal… Mani Soleymanlou s’interroge sur son identité si difficile à cerner. Une recherche complexe et une quête infinie tempérées par l’humour.
La pièce suit votre parcours. Comment avez-vous procédé pour construire le spectacle ?
Mani Soleymanlou : Afin de bien comprendre cet état de « vide identitaire » dont il est question dans la pièce, j’ai dû retourner vers le passé, être fidèle à mon parcours, afin de mieux accepter le présent. J’ai en quelque sorte reculé dans le temps, en étant le plus possible à mon écoute, à l’écoute de toute émotion, de tout changement de ton, de tout ce qui rend ce questionnement si difficile à cerner. Le doute est très présent dans UN, et je pense que ce doute témoigne de l’incertitude qui est à la base du questionnement identitaire.
Le spectacle ne raconte-t-il pas une quête qui ne s’arrête jamais ?
M. S. : Exactement ! Il m’a fallu l’écriture de UN pour faire la paix avec ce désir d’appartenance, ce besoin « d’être », que ce soit Iranien, Français, Canadien ou Québécois. J’ai dû accepter l’écart entre le Mani né en Iran et celui qui vit aujourd’hui à Montréal.
Ça fait bientôt trois ans que je joue UN et plus je joue, plus le questionnement devient complexe, plus je m’éloigne d’une seule et unique réponse. On n’est jamais, on ne fait que devenir. La quête est pour moi mille fois plus importante que le résultat.
Est-ce aussi une pièce sur la mémoire et donc sur l’oubli ?
M. S. : Je pense que chaque être humain qui tente de raconter son histoire, son passé, est en quelque sorte obligé de réinventer. Nous avons une mémoire sélective, et dans ce sens, j’ai dû être fidèle à mon parcours, mais en même temps, ce que j’ai mis sur papier était une reconstruction totale de ma mémoire. La forme théâtrale m’a également permis de jouer avec l’idée d’une mémoire peut-être défaillante, ou bien de souvenirs potentiellement inventés, et en choisissant certains passages de ma vie, j’en ai forcément oublié d’autres.
La pièce est une comédie. Pourquoi ?
M. S. : L’humour s’est imposé malgré moi. En écrivant UN j’ai réalisé le malaise qui m’habitait lorsque je tentais de parler de mon identité de façon sérieuse, et je désamorçais tout moment sérieux ou émouvant. L’humour m’a permis d’accepter ces moments-là, de les assumer. L’humour ouvre des portes, il permet aux autres émotions de se détendre et de monter à la surface sans jugement, sans gêne, librement. L’humour et l’autodérision laissent parfois leur place à la vérité et au drame. Le constant aller-retour entre l’humour et le drame dans le spectacle est un clin d’œil au spectateur, comme une poignée de main.
Propos recueillis par Agnès Santi
Avignon Off. La Manufacture, 2 rue des Ecoles. Du 6 au 26 juillet à 19h15. Tél. : 04 90 85 12 71.
Balades au fil de la chanson française.