Etat des lieux de la danse en France
L’image comme outil de transmission
Voici des années que Charles Picq filme amoureusement la danse. Epaulé par la Maison de la danse à Lyon, la Fondation BNP Paribas et le CND, il a imaginé le site web numeridanse.tv.
Pourquoi filmez-vous la danse ?
Charles Picq : Parce qu’elle échappe constamment… Elle est toujours en mouvement, les corps se déplacent, sortent du cadre. Les figures éclatent dans l’espace, se recomposent, puis disparaissent alors même que la caméra veut pouvoir s’engager au plus près pour en capter l’énergie, voir les visages, le détail d’un geste, donner à vivre l’émotion qu’elle suscite. Filmer la danse, c’est d’abord une histoire de caméra, donc de regard. L’essentiel se joue au moment de tourner. C’est pourquoi j’adore filmer moi-même et prends tant de plaisir, quand, dans une salle de spectacle, seul au milieu des spectateurs, je vais avec ma caméra, souvent en découvrant la pièce, tenter d’en saisir la danse, simplement, sans rupture. Exercice difficile, mais quand on le réussit, le plan séquence prend toute sa valeur de transparence et donne au film ce temps si juste et si proche du spectacle.
« Filmer la danse, c’est d’abord une histoire de caméra, donc de regard. »
Quelles sont les questions que pose la danse au vidéaste ?
C. P. : Les premières sont d’ordre technique, liées à l’espace, à la lumière. La représentation scénique a ses logiques, la représentation filmique en a d’autres. Mais surtout un spectacle de danse présente des compositions, très riches et complexes, de matières différentes : de la musique, de la lumière, de la chorégraphie et des jeux dans l’espace, de la scénographie, de la dramaturgie, et puis les danseurs, leur travail d’interprétation, leur présence et leur personnalité. Or, filmer les gens est ce que le cinéma sait faire de mieux. Dominique Bagouet disait que ses danseurs étaient des hommes et des femmes qui dansent. Au cœur de l’interrogation du vidéaste que je suis, il s’agit de filmer des hommes et des femmes qui dansent, qui ils sont, ce qui se joue, leurs relations. Et c’est par la magie du cinéma qu’ils deviennent alors les personnages d’un film.
Quel est pour vous le rôle des captations d’œuvres chorégraphiques ?
C. P. : Il est fondamental dans la transmission de la culture de la danse, car le meilleur moyen et le plus pratique pour garder la mémoire d’une œuvre. La danse ne laisse de trace que dans l’esprit du spectateur et dans le corps des danseurs. Une mémoire fragile, partielle et volatile. Il est important de développer des systèmes plus sûrs et l’image peut remplir un rôle essentiel.
Quels sont les principes éditoriaux de numeridanse ?
C. P. : Cette web-tv s’adresse à trois publics. Elle offre au grand public un catalogue d’œuvres référencées, présentées par extraits ou en intégralité, accompagnées de notices, afin d’apporter une base de connaissances permettant de se forger une culture chorégraphique. L’espace Thema vise davantage le monde de l’éducation puisqu’il puise dans les ressources du site pour en extraire des thématiques sous forme de scénarios. Là encore les extraits et les thèmes sont accompagnés de notices et d’information bibliographique. Enfin, l’espace Channel concerne les professionnels : le site joue un rôle de plateforme et propose aux professionnels de la danse qui possèdent des collections de les mettre en partage. Dans cet espace, chacun est alors maître de sa ligne éditoriale.
Entretien réalisé par Gwénola David