La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Gérard Desarthe, L’énigme Pinter

Gérard Desarthe, L’énigme Pinter - Critique sortie Théâtre Paris théâtre de l'oeuvre
Gérard Desarthe CR : Brice Toul

Théâtre de l’œuvre / de Harold Pinter / mes Gérard Desarthe

Publié le 1 septembre 2014 - N° 223

Dispersion (ashes to ashes) est l’avant-dernière pièce du dramaturge anglais, Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 2005. Une pièce énigmatique et noire, que Gérard Desarthe interprétera en compagnie de Carole Bouquet.

Est-ce la première fois que vous vous attaquez à Pinter ?

Gérard Desarthe : Oui, c’est une première pour moi. L’œuvre de Pinter est cachée et souterraine. C’est un maître de la fragmentation, de l’ellipse, de la juxtaposition, et de la pause silencieuse. Ses dialogues, ses réflexions dans ses œuvres sont souvent interrompus. C’est le maître de cette écriture du non-dit, des non-dits sur lesquels il ne donne jamais d’explications. Il est prix Nobel de littérature, tout comme Beckett dont il est proche, et il est aussi imbibé de Joyce et de Shakespeare. C’est vraiment un très grand auteur, très difficile à jouer, qui au sujet de cette pièce disait à un journaliste l’interrogeant sur son sens : «  C’est la belette sous le bar à cocktail…».

Dispersion est donc une pièce ardue à mettre en scène…

G.D. : L’imagerie réaliste que dispense Pinter dans ses didascalies et le jeu psychologique lié à la situation – un homme demande à sa femme qui est son amant – ne fonctionnent pas. Dans les années 60, on jouait Pinter comme du théâtre de boulevard, avec des acteurs qui n’y comprenaient rien. Pour moi, on est dans le crâne de Pinter. Je ne sais pas comment il va falloir le jouer, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il faudra se poser la question de la langue de Pinter.

« Nous allons travailler sur le rythme, sur la pause, sur le silence pinterien.  »

Pinter se livre donc dans cette pièce ?

G.D. : Deux personnes, Devlin et Rebecca, qui ne sont jamais nommés dans la pièce, dialoguent. C’est un couple et l’homme cherche à savoir qui est l’amant de sa femme. Elle parle d’un homme qui la violente – ce à quoi elle semble prendre du plaisir – mais en fait elle ne répondra jamais. Et pour moi, Pinter est à la fois cet homme et cette femme. Elle représente la mémoire de l’Histoire, lui la mémoire du réel, du quotidien. La femme n’est ni schizophrénique, ni affabulatrice. Elle se superpose simplement à la violence faite aux femmes, et aux enfants, dans l’Histoire, ce qui la conduit à souvent paraître divaguer.

Pourquoi avoir choisi Carole Bouquet pour interpréter Rebecca  ?

G.D. : J’avais besoin d’une femme mystérieuse, comme le personnage, une femme qui puisse paraître hantée. Ce sera une pièce minimaliste. Dispersion ce sont des voix qui parlent et la première chose à faire pour jouer la pièce sera de tenter de comprendre ce que Pinter y a mis de lui. Il n’y aura pas d’incarnation. Nous allons travailler sur le rythme, sur la pause, sur le silence pinterien. Il n’y a pas beaucoup d’actrices que j’aurais pu entraîner là-dedans. Dans cette pièce, tout va vite et ce sera au spectateur de se constituer un chemin.

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement

Dispersion (ashes to ashes)
du mardi 16 septembre 2014 au lundi 10 novembre 2014
théâtre de l'oeuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

du mardi au vendredi à 21h, le samedi à 18h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 44 53 88 88.

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