Un lieu d’inspiration, de création, d’effervescence artistique

Comment est née cette aventure ?

Frédéric Biessy : Tout est venu du lieu lui-même : nous avons eu un véritable coup de foudre pour La Scala. Depuis quelques années, je cherchais un espace dédié aux besoins des artistes dans une grande ville, afin de compléter mon activité de producteur. Je suis un producteur privé qui a travaillé quasi exclusivement avec des artistes programmés dans le théâtre public. Au-delà des cloisonnements inutiles, l’important pour les artistes, c’est l’activité, la liberté, la rencontre avec le public et avec d’autres artistes. La Scala Paris, lieu magnifique en plein cœur de Paris et à l’abandon depuis 1999, nous a conquis et nous avons décidé de le reconstruire. Véritable roman à rebondissements, son histoire même est fascinante. Célèbre café-concert de la Belle Epoque érigé en 1873, qui doit son nom et son architecture à l’admiration de sa fondatrice pour l’illustre théâtre d’opéra milanais, superbe cinéma Art Déco créé en 1936, puis premier multiplexe parisien conçu en 1977, consacré aux films pornographiques : le lieu s’est métamorphosé en affirmant chaque fois une modernité singulière.

« Nous avons eu un véritable coup de foudre pour La Scala. »

Comment avez-vous procédé pour le transformer ?

F. B.: Mélanie et moi l’avons racheté et rénové grâce à nos fonds personnels, soutenus dans notre ambition par l’Etat, le Conseil régional d’Ile-de-France et la Ville de Paris. Après avoir résolu le problème épineux de l’issue de secours condamnée suite à des travaux, nous avons pu envisager d’accueillir jusqu’à 900 personnes, et alors lancer le chantier. Nous avons imaginé la réhabilitation en dialogue avec une équipe d’artistes. L’homme de théâtre Richard Peduzzi, complice de Patrice Chéreau et Luc Bondy, a imaginé et conçu l’architecture intérieure dans ses moindres détails. Seul théâtre à Paris à avoir été rêvé et réalisé par un artiste de la scène, La Scala Paris est aussi l’unique théâtre à acoustique variable de Paris intra-muros, grâce au compositeur Philippe Manoury qui a élaboré une sonorisation totale de l’espace. La Scala Paris est aujourd’hui un outil performant qui rend possibles 11 configurations différentes. Nous voulons faire vivre une ruche artistique, en tissant des liens avec les habitants du quartier. Nous inaugurons aussi un bar et restaurant à l’étage.

De quelle manière les artistes ont-ils investi la Scala Paris ?

F. B.: Comme nous, ils ont été conquis et ont même proposé des projets directement inspirés par le lieu. Pour l’ouverture, Yohann Bourgeois crée Scala, qu’il a voulu ainsi nommer. Thomas Jolly y présente Arlequin poli par l’amour, sa première pièce jamais vue à Paris, Yasmina Reza propose aussi une pièce peu vue, Dans la luge d’Arthur Schopenhauer. Aurélien Bory, Bertrand Chamayou… C’est le début d’une histoire commune enthousiasmante qui s’écrit, avant peut-être dans quelques décennies une nouvelle métamorphose…

Propos recueillis par Agnès Santi

A lire L’Intégrale des ombres, La Scala Paris de Olivier Schmitt – Actes Sud