Un Instant

« Au théâtre comme au cinéma, la dimension mondaine de l’œuvre de Marcel Proust a fait l’objet de nombreuses œuvres. Dans Un Instant, je m’intéresse plutôt à l’enquête cérébrale menée par l’auteur, essentiellement dans le début de La Recherche. Comment en arrive-t-on, dans les dernières années d’une vie, à la folie furieuse qui consiste à se retrancher du monde pour se consacrer à l’écriture ? Cette question a guidé le travail que j’ai réalisé avec les deux interprètes de la pièce, Camille de La Guillonnière et Hélène Patarot, comédienne d’origine vietnamienne dont le récit d’exil et d’angoisses introduit celui de Proust.

La mémoire et l’exil de soi

La scène est telle une chambre. Un grand espace vide, plutôt réaliste, traversé par des objets créés par Macha Makeïeff. Des sortes de natures mortes qui glissent sur le plateau de cour à jardin. Avec les deux acteurs, un guitariste mêle ses sons électriques aux mots d’Hélène Patarot et de Proust pour donner une impression d’aujourd’hui et faire écho à leurs réflexions sur la mémoire. Laquelle est le fil conducteur de notre existence et de notre identité, mais dont des décennies de recherche en psychologie prouvent que les composantes, les souvenirs, sont une adaptation, une recombinaison, et parfois une transformation radicale de l’original. Les souvenirs liés aux personnes disparues en sont un parfait exemple. On le voit très bien lorsque Proust aborde le deuil de sa grand-mère, dans des passages magnifiques qui occupent une place importante d’Un instant ».

Propos recueillis par Anaïs Heluin