Jeune public et familles
Des contes revisités par Joël Pommerat ou la [...]
Focus -292-Les Gémeaux à Sceaux
Créée par Wajdi Mouawad en 2017, cette éblouissante fresque théâtrale laisse une empreinte forte. Auprès de remarquables comédiens, l’auteur et metteur en scène y explore la question de l’identité mêlée au conflit israélo-palestinien.
Du très grand art ! Auteur tragique d’aujourd’hui, Wajdi Mouawad met en jeu une crise familiale poignante, où l’intime est empli des violences du monde et d’héritages douloureux. L’ensemble impressionne à la fois par l’écriture vibrante, par la précision de la construction formelle, par le jeu éblouissant des comédiens. S’il renoue avec la veine du cycle Le Sang des Promesses, qui explorait les douleurs liées à la guerre civile libanaise – Wajdi Mouawad a quitté le Liban dans l’enfance pour Paris puis le Québec –, l’auteur et metteur en scène part ici à la rencontre d’Israël, pays ennemi. Fondée sur la curiosité de l’expérience de l’autre, l’écriture dépasse le cadre historique pour s’élever et atteindre, au cœur de l’humain, une dimension épique et poétique. La langue ici questionne la transmission et la perte, retrace un chemin difficile vers une vérité qui traverse les générations.
Une vie parsemée de manques
Wajdi Mouawad ausculte le destin d’une famille sur laquelle pèse un lourd secret, que le parcours du petit-fils, Eitan, va faire éclater au grand jour. Ses grands-parents israéliens se sont séparés lorsque son père avait quinze ans – Leah est restée en Israël tandis qu’Etgar est parti s’installer à Berlin avec son fils David. Ses parents, David et Norah, vivent à Berlin. A New York, Eitan tombe amoureux d’une jeune fille très belle, Wahida, qui écrit une thèse sur Hassan Ibn Muhamed el Wazzân, dit Léon l’Africain. L’une des forces de la pièce est l’amplitude des personnages, malgré une intrigue alambiquée et des sentiments exacerbés. L’autre atout est l’idée de jouer le drame dans la langue des personnages : l’anglais, l’allemand, l’hébreu et l’arabe. Les langues s’entrechoquent, résonnent de pertes flagrantes ou secrètes. L’humour acide de la grand-mère est une merveille de défense face au tourment de son âme. La langue de l’enfance et la mère, c’est la même chose, soulignent Lacan et d’autres : un monde de sons et de sensations perdues. Bien qu’articulée au passé, c’est une brûlante écriture du présent qui se révèle, avec des comédiens époustouflants.
Agnès Santi
Du 6 au 17 octobre à 20h, dimanche à 16h, relâche les 11 et 12. Durée : 4 heures entracte inclus. Spectacle vu au Théâtre de La Colline en novembre 2017.
Tél : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com
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