Conversation entre Jean ordinaires
Jean-François Auguste et Jean-Claude [...]
Le Festival IMAGO fait bouger les lignes et les esthétiques, déjoue les attentes et décentre les points de vue en permettant de considérer le handicap comme altérité plutôt que comme anormalité.
Quelle est l’histoire de ce festival ?
Richard Leteurtre : Il est né de la rencontre entre deux structures. Le Théâtre Eurydice de Plaisir, ESAT culturel que je dirige, et le Théâtre du Cristal, compagnie professionnelle avec des artistes en situation de handicap, que dirige Olivier Couder. En 2003, Eurydice avait lancé le festival Orphée au théâtre Montansier, dans le cadre de l’année européenne des personnes handicapées. Le Théâtre du Cristal, qui travaille avec l’ESAT La Montagne de Cormeilles-en-Parisis, avait créé le festival Viva la Vida du Val d’Oise. Nous avons réuni ces deux festivals pour créer la biennale IMAGO en 2016 : elle organise cette année sa cinquième édition.
Qu’est-ce qu’un ESAT ? Comment et pourquoi de telles structures ?
R.L. : Un ESAT est un établissement d’aide par le travail. Il y en a 1500 en France et seulement une dizaine d’insertion professionnelle dans les métiers du spectacle. La revendication de ces ESAT est commune : la reconnaissance de la professionnalisation des artistes en situation de handicap. Nous militons pour imposer cette idée auprès des professionnels, artistes et programmateurs, de la presse, du grand public et des institutions. 7 à 10% des Français sont porteurs de handicaps : leur reconnaissance est une question de démocratie, de diversité et d’ouverture. L’exclusion ne rend pas la société meilleure ou plus efficace, bien au contraire ! Ce pourquoi nous nous employons, avec ce festival, à bouger les esthétiques, pour rendre visibles interprètes et porteurs de projets en situation de handicap. Il ne s’agit pas de sombrer dans le misérabilisme, mais il faut parvenir à réparer ce qui ne fonctionne pas dans l’égalité des chances. Les enfants en situation de handicap ne sont pas dans les ateliers de pratique ; les conservatoires ne sont pas inclusifs ; ne parlons même pas des écoles nationales ! Or, la visibilité des artistes en situation de handicap est essentielle, pour eux, pour leur famille et pour le public. On oublie trop souvent que nous sommes nombreux à avoir besoin de prothèses pour être des personnes augmentées !
Comment s’organise IMAGO ?
R.L. : C’est d’abord le geste artistique qui nous intéresse. Nos maîtres-mots sont humanisme, innovation et engagement. Nous parions sur l’artification, telle que la théorisent Nathalie Heinich et Roberta Shapiro, pour accoutumer le regard du public et permettre l’exemplarité par la visibilité. Les JO de Londres ont été un accélérateur pour la reconnaissance des artistes britanniques en situation de handicap et ont permis une prise de conscience des pouvoirs publics. Même si nous sommes activement soutenus par la Région Ile-de-France et Covéa Finance, nous espérons que, plus largement, la scène serve de modèle à la salle et que les programmateurs intègrent ces spectacles comme ils accueillent ceux des valides. Ce pourquoi nous sommes heureux d’essaimer cette année à Bordeaux, avec le Glob Théâtre, pour devenir, à terme, une manifestation nationale. Ce pourquoi, également, nous travaillons étroitement, dans le respect et l’intelligence collective, avec IMAGO, le réseau des Pôles art et handicap, qui assure un enracinement du festival sur les territoires départementaux.
Catherine Robert
Renseignements, dates et horaires sur www.festivalimago.com
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