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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -216-Festival Présences de Radio France

Portrait / Helmut Lachenmann

Portrait / Helmut Lachenmann - Critique sortie Classique / Opéra Paris Maison de Radio France
Crédit : Betty Freeman

Publié le 19 décembre 2013 - N° 216

La radicalité du geste

Portrait d’Helmut Lachenmann, dont les œuvres Gran Torso et Mouvement sont programmées à Présences (le 23 février).

A presque 80 ans, il est aujourd’hui l’une des figures majeures de la scène contemporaine. Helmut Lachenmann a pourtant essuyé bien des tempêtes. Sa musique, réputée aussi exigeante pour le public que pour les interprètes, a souvent été sujette à controverse. En 1969, lors de la création de sa pièce Air à Francfort, le public a d’ailleurs interrompu le concert en criant: « Ce n’est pas de la musique! ». Certains vont même jusqu’à assimiler Lachenmann à un provocateur. Il est pourtant parvenu à combiner une esthétique bruitiste et une profonde spiritualité. Mais atteindre cette beauté se mérite. Lachenmann l’avoue d’ailleurs volontiers. « Ma musique réclame dix répétitions par jour. Et chaque musicien doit avoir le courage de perdre ses habitudes de jeu pendant un moment. Si je dois expliquer à un violoncelliste de 60 ans qu’il doit tenir son archet dans un autre sens, il se sent honteux d’être à nouveau un débutant », déclarait-t-il en 2008 au Los Angeles Times. Une rencontre a été décisive dans le parcours d’Helmut Lachenmann. Alors âgé de 23 ans, après des études de composition à Stuttgart, sa ville natale, il passe entre 1958 et 1960 deux années à Venise auprès du compositeur Luigi Nono. Les conceptions musicales avant-gardistes, voire révolutionnaires de Nono, influencent radicalement le jeune compositeur. Il développe alors une esthétique très personnelle, celle de la « musique concrète instrumentale ». Il la définit comme une musique faite de bruits provoqués par les instruments de l’orchestre. Pour donner un exemple, dans Kontrakadenz, les percussionnistes produisent des sonorités à l’aide de pièces de monnaie. Mais il ne s’agit pas d’une démarche simpliste ou anecdotique.

L’énergie d’un son

« L’intérêt de la musique concrète ne réside pas dans les bruits mais dans l’énergie d’un son. » affirme-t-il dans un entretien avec la musicologue Abigail Heathcote. Autre figure marquante dans le parcours d’Helmut Lachenmann : celle de Stockhausen, auprès de qui il étudie à Cologne. Tout au long de sa carrière, il n’aura de cesse d’approfondir sa réflexion sur le son, les structures sonores, mais aussi sur la beauté qu’il ne cessera de mettre à l’épreuve. Elle réside pour lui dans le refus de l’habitude. « Les meilleures pièces dérangent », déclarait-il au cours du même entretien. Si son approche est radicale, le compositeur ne renie pas pour autant le passé. « Je suis tout à fait d’accord pour ne pas stigmatiser immédiatement un regard sur le passé comme un pas en arrière. J’ai pu ainsi citer à nouveau dans mon dernier quatuor l’accord d’ut majeur – qui sonne à la fois de façon semblable et différemment dans La Création de Haydn et l’ouverture des Maîtres-Chanteurs de Wagner – en l’invoquant en somme stylistiquement à contretemps. C’est justement en m’emparant de ce qui semble connu que je veux trouver quelque chose que je ne connais pas encore. Car je veux sortir de mon moi, de ce débarras obscur rempli de réflexes conditionnés. » Une véritable profession de foi.

 

A. Pecqueur

A propos de l'événement

Festival Présences
du jeudi 13 février 2014 au mardi 25 février 2014
Maison de Radio France


Théâtre du Châtelet, Salle Pleyel, Cité de la musique. Du 13 au 25 février 2014. Tél : 01 56 40 15 16.
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