« Nous n’arrivons pas les mains vides » de Balkis Moutashar

« Pour cette création, je suis partie d’un désir simple : rencontrer les jeunes danseurs au tout début de leur carrière, dans la pluralité de leurs parcours, de leurs gestes, de leurs univers. J’ai alors imaginé une sorte d’enquête chorégraphique : quels mouvements les habitent, les ont formés, les marquent encore ? Ce travail m’a passionnée, mais je me suis vite heurtée à un manque de diversité des réponses qui correspondaient aux cadres institutionnels de la danse contemporaine. J’ai donc élargi le projet. J’ai observé les programmations, les écoles, les réseaux sociaux. J’ai vu du hip-hop, de l’électro, du classique encore très présent dans les imaginaires. J’ai composé un groupe représentatif : autodidactes, diplômés, urbains, ruraux, corps et origines multiples. »

Un documentaire poétique

« J’ai reçu plus de 500 candidatures, vu près de 80 danseurs, et constitué un groupe de douze, nés entre 2000 et 2005, car ils représentaient les danseurs du 21^e siècle. Chacun est arrivé avec sa danse, ses références, ses fragments d’histoire. J’ai passé une journée seule avec chacun, enregistrant gestes et paroles. J’ai récolté 240 mouvements, en ai retenu 80. Ce sont eux qui composent la matière première de la pièce. À partir de là, j’ai travaillé par collage, juxtaposition, mixage. J’ai cherché les frottements, les absurdités, les résonances. Le compositeur Renaud Vélard a enregistré les sons de leurs corps, et nous avons intégré des extraits de leurs playlists personnelles. Le titre, Nous n’arrivons pas les mains vides, dit tout : ils arrivent avec leurs danses, leurs histoires, leurs gestes. Et moi, je compose avec ce qu’ils m’offrent. »

Propos recueillis par Agnès Izrine