« Incandescences / Si tu me cherches tu me trouves » par Ahmed Madani

Comment va la jeunesse ?

Ahmed Madani : Les récentes émeutes provoquées par l’assassinat du jeune Nahel sont un marqueur du désarroi de la jeunesse face au malaise civilisationnel de notre société. La déconfiture du système scolaire, la politique de saupoudrage de dispositifs inefficaces, les crises sanitaire, économique, écologique, sociale, politique ont un impact fort. La dystopie a remplacé l’utopie, particulièrement dans les quartiers populaires. La colère y gronde comme elle gronde chez les Gilets jaunes, à Sainte-Soline ou dans les hôpitaux. Je trouve que malgré ce contexte, la jeunesse résiste plutôt bien.

Comment travaillez-vous ?

A.M. : Mon objectif est de faire apparaître la force de points de vue, d’histoires, de visions du monde qu’on n’entend pas assez et d’offrir aux protagonistes, par la vigueur de la langue, la possibilité du dépassement de leur singularité. C’est un travail de longue haleine qui œuvre à une forme de réconciliation entre une personne, son histoire et la communauté. Le projet Nous sommes vous est une réflexion sur le rapport à l’autre et au pouvoir, sur la manière que chacun a de résister à la violence de notre système social et économique. Avec ces jeunes et leurs familles, nous allons réfléchir à ce qu’est la violence, s’ils l’ont subie, s’ils l’ont commise, comment elle prend place dans leur quotidien, dans leur histoire familiale. 

« Le projet Nous sommes vous est une réflexion sur (…) la manière que chacun a de résister à la violence de notre système social et économique. »

Comment procéderez-vous ?

A.M. : Une fois le groupe constitué, il me faudra établir une relation de confiance avec les jeunes. Je vais écouter, prendre des notes, filmer, enregistrer dans une démarche d’enquête sociologique. Une fois le matériau obtenu, je m’engagerai dans l’écriture avec l’objectif de faire advenir du politique à partir de l’intime recueilli. La direction d’acteurs sera centrale et la mise en scène n’interviendra que dans la dernière étape, où mes collaborateurs Nicolas Clauss à la vidéo, Christophe Sechet au son et Damien Klein aux lumières m’accompagneront.

Vous reprenez Incandescences lors du temps fort Génération(s) de novembre…

A.M. : C’est le dernier volet de Face à leur destin. Des jeunes dont les parents ont vécu l’exil y dévoilent leurs rapports à l’amour et à la sexualité. Ils affirment leur liberté avec allégresse et joie dans une énergie revigorante. La rencontre avec le public, très intense, est toujours suivie de débats passionnants.

Entretien réalisé par Catherine Robert