Portrait Angelica Liddell
Tout le ciel au-dessus de la tête (Le [...]
Focus -212-Odéon ~ Théâtre de l’Europe
Le Cyrano de Dominique Pitoiset peut crier victoire ! Sa mise en scène singulière, décalée, drôle et profondément émouvante installe les protagonistes dans une sorte de salle d’hôpital psychiatrique, un lieu de vie abîmée. Ce Cyrano, porté par un Philippe Torreton exceptionnel, laid mais d’une telle élégance, a été ovationné par le public et la critique lors de sa création. Fabuleux pouvoirs du théâtre…
Comment est née l’idée de mettre en scène Cyrano de Bergerac avec Philippe Torreton ?
Dominique Pitoiset : Sur un quiproquo. Philippe et moi nous connaissons depuis très longtemps. Voilà des années que nous avions envie de travailler ensemble. Un jour, il m’a demandé de relire Cyrano. Et quand je l’ai rappelé pour lui parler de ma lecture, il m’a dit qu’il ne m’avait pas demandé de relire Cyrano, mais Figaro ! Nous nous sommes alors mis à parler de la pièce de Rostand et avons décidé de nous lancer ensemble dans cette aventure. Pourtant, je dois dire qu’avant de la relire, j’étais rempli d’a priori sur Cyrano. Cette pièce, avec ses duels, ses références, toutes les images qui lui collent à la peau, me paraissait très poussiéreuse.
Qu’est-ce qui a eu raison de ces a priori ?
D. P. : En relisant attentivement la pièce, je me suis aperçu que derrière cette impression de poussière, il y avait des choses réellement magnifiques, des choses jubilatoires. Car quel personnage que ce Cyrano ! Quel cousin d’Alceste, mon héros, atrabilaire amoureux ! Un cousin d’Alceste qui engage un pacte faustien. En la personne de Christian, Cyrano crée en effet un avatar dont il sera l’esprit, le souffle poétique, la voix… Mais ce pacte aboutira à la mort des deux protagonistes. Plus que d’éclairer la notion de panache, ce qui m’intéresse dans Cyrano de Bergerac, c’est de faire entendre une certaine forme d’esprit français : le « être seul mais libre », l’insoumission, le « non, merci ! », la revendication de l’endroit juste du chemin parcouru, le point de vue sur l’engagement…
Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans le personnage de Cyrano ?
D. P. : C’est qu’il questionne l’être à la fois dans son essence et dans ses pulsions. Cyrano a tous les symptômes du maniaco-dépressif, il fonctionne par ruptures et par cycles. Il manifeste, tour à tour, un appétit boulimique pour les mots, pour les paroles flamboyantes, pour les prises de risque, et une profonde mélancolie, une nature traversée par des humeurs sombres. Je trouve cette mélancolie absolument bouleversante. Je crois que mon amour pour Cyrano naît de cette grande solitude, et du défi que sa personnalité lance à la raison raisonnable.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
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