Le Nederlands Dans Theater
A force de patienter, on ne l’attendait plus. [...]
Focus -210-Théâtre National de Chaillot
En 1905, Meyerhold, élève de Stanislavski, créait le Studio du Théâtre d’art de Moscou. Plus d’un siècle après, de jeunes acteurs formés à l’école du Théâtre d’art, dirigée par le metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrennikov, fondent le Studio 7 et dévoilent leur talent dans deux productions d’envergure.
Quel est le parcours des acteurs qui forment aujourd’hui le Studio 7 ?
Kirill Serebrennikov : Ils ont suivi le cursus de l’école du Théâtre d’art de Moscou, très atypique en Russie. Leur formation aborde l’interprétation, la dramaturgie, la diction, le chant, l’improvisation, mais aussi la musique et la composition, l’art contemporain, l’engagement corporel, par la danse, la biomécanique ou l’acrobatie. Les étudiants se frottent à toutes les formes du théâtre, depuis les pièces classiques jusqu’à la performance.
David Bobee : Ces acteurs allient une technique de jeu parfaitement maîtrisée, transmise par les meilleurs maîtres, dans la lignée de l’enseignement de Stanislavski, à une grande ouverture d’esprit et une souplesse intellectuelle. Ils font montre d’une créativité, tant individuellement que collectivement, et d’une générosité sur scène qui m’étonnent sans cesse. Invité à intervenir dans l’école, j’ai d’abord travaillé avec ce groupe pour la recréation de Fées, pièce de Ronan Chéneau. A leur sortie, ces comédiens ont fondé le Studio 7 et, avec Kirill Serebrennikov, nous avons décidé de poursuivre la collaboration.
Comment abordez-vous avec eux Les Métamorphoses, long poème épique d’Ovide ?
D. B. : Après de nombreuses conversations et échanges d’idées avec Kirill, nous avions décidé d’explorer l’univers des jeux vidéo, notamment Mortal Combat, qui évoque souvent un monde post-humain, un temps d’après la catastrophe. Puis, en cherchant à relier cet imaginaire avec des textes qui constituent le patrimoine de l’humanité, j’ai suggéré Les Métamorphoses d’Ovide, un de mes livres de chevet à l’adolescence. Ces récits, qui courent depuis le Chaos originel jusqu’à l’apothéose d’Auguste César, résonnent puissamment avec notre vie aujourd’hui, dans ses aspects moraux, esthétiques et érotiques. A travers les aventures des héros et des dieux, se posent des questions essentielles sur ce qui fait un homme, ce qui le définit, ce qui malmène l’humanité… Chez Ovide, les identités sont mouvantes, les créatures sont en devenir, entre féminin et masculin, animal et végétal. Le Septième Studio s’est installé dans Platform, lieu dédié à la création contemporaine situé à Vinzavod, quartier moscovite où règnent la misère, la violence et l’alcoolisme, où les clochards, les êtres rejetés par la société, ont parfois perdu les traits humains… Nous étions imprégnés de ce contexte. Nous avons demandé à l’auteur russe Valery Pecheykin d’écrire une métamorphose contemporaine : celle d’un homme qui perd tout, travail, famille, amour, argent…, qui devient une créature, ni humaine, ni animale, errant à la périphérie des villes, dans un enfer lié à la violence des dieux contemporains : marché, argent, système, idéologie.
Transformations et travestissements trament la dramaturgie du Songe d’une nuit d’été, pièce interprétée par les acteurs du Studio 7 sous votre direction…
K. S. : Nous avons éclaté la pièce de Shakespeare en cinq contes et exploré les recoins sombres, là où se jouent les peurs, les fantasmes et les folies de l’homme dans la quête de l’amour et la sexualité. Valery Pecheykin a écrit des monologues qui révèlent le subconscient, les pensées, les complexes, les frayeurs et les confessions des personnages. La forêt et les elfes se trouvent dans leur esprit. La psychologie des relations entre l’homme et la femme forme le noyau conceptuel du spectacle. L’humain se dévoile ici dans toute la violence de ses passions.
Entretien réalisé par Gwénola David
A force de patienter, on ne l’attendait plus. [...]