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Focus -328-Des Semaines d’Orléans à la Salle Cortot : un demi-siècle de modernité musicale ravivé par le Fonds Galaxie-Y

Des Semaines d’Orléans à la Salle Cortot : un demi-siècle de modernité musicale ravivé par le Fonds Galaxie-Y

Des Semaines d’Orléans à la Salle Cortot : un demi-siècle de modernité musicale ravivé par le Fonds Galaxie-Y - Critique sortie
Les pianistes Chae-Um Kim et Chi-Ho Han. © Jenny Faugerat

Publié le 13 décembre 2024 - N° 328

À l’initiative de Françoise Thinat et du Fonds de dotation Galaxie-Y, un double hommage est rendu à Pierre Boulez et à Jean-Étienne Marie, fondateur en 1968 des Semaines internationales de musique d’Orléans. Dans le cadre idéal de la Salle Cortot, les pianistes Chi-Ho Han et Chae-Um Kim jouent des pièces-jalons de Boulez, Stravinsky et Didier Rotella.

La modernité n’est pas le propre d’une époque. C’est plutôt le résultat d’une pensée, d’un goût pour l’invention. La musique est moderne quand les musiciens inventent. À ce jeu, Pierre Boulez, quoiqu’il serait bientôt centenaire, demeure absolument moderne. Certaines pièces portent même en elles quelque chose de proprement révolutionnaire et c’est le cas des Structures, livre I que programme pour ce concert-hommage le Fonds de dotation Galaxie-Y. De l’aveu même des deux jeunes interprètes choisis par Françoise Thinat – tous deux lauréats du Concours international de piano d’Orléans –, le défi que constitue une telle œuvre reste immense. « Quand j’ai découvert la partition, j’ai d’abord ressenti une grande frustration car tout y semble absolument imprévisible, reconnaît Chi-Ho Han. Mais c’est ainsi que naît la structure. C’est vraiment un langage en soi, qui ouvre de nouvelles perspectives à la musique ». Familière de la musique de Boulez, Chae-Um Kim le confirme : « C’est une œuvre radicale, qui n’a pas beaucoup d’équivalent. Difficile d’imaginer qu’à partir de là, Boulez arrive un jour à Sur Incises ! Il y a là une exigence de rationalité, et pour les interprètes une nécessité de jouer exactement ce que le compositeur a écrit ». Du reste, Pierre Boulez lui-même avait conscience de ce que son œuvre, composée « à la limite du pays fertile » disait-il en citant Paul Klee, pouvait avoir d’aride. À John Cage et David Tudor, qui envisagent de donner l’œuvre aux États-Unis, il conseillera de se préparer « quelques cachets d’aspirine ».

Réunir interprètes et public curieux

En 1974, l’œuvre demeure l’étendard des prémices d’une révolution, de ce que l’on allait pour quelques décennies identifier comme la « musique contemporaine ». Elle avait ses interprètes et il n’y avait aucune raison, en ces années qui suivaient mai 68, pour qu’il n’y ait pas un public curieux prêt à emboîter le pas d’idées et réalisations radicalement nouvelles. Encore fallait-il qu’il se trouvât un lieu qui les accueille. C’est ce que proposèrent dès 1968 les Semaines internationales de musique d’Orléans (à dire vrai, d’abord un concert, puis quatre, avant de devenir des semaines entières de création et de découverte). Et c’est pour cela que Françoise Thinat a souhaité faire de ce concert, en 2025 à la Salle Cortot, un hommage à l’aventure qui se déroulait, un demi-siècle auparavant, entre les miroirs de la Salle de l’Institut à Orléans, et à son fondateur, inlassablement à l’affût de la musique en train de s’écrire : le compositeur Jean-Étienne Marie (1917-1989). La pianiste, fondatrice de Galaxie-Y, a vécu de l’intérieur la folle effervescence du festival. C’est au duo de choc qu’elle formait alors avec Martine Joste que fut confié, en mars 1974, le programme repris aujourd’hui par Chi-Ho Han et Chae-Um Kim : les Structures, Livre I donc et le Concerto pour deux pianos de Stravinsky, faisant figure de « classique moderne ». Ce même concert voyait les deux pianistes emprunter la voie de la musique mixte avec la création de Mouvance de temps et d’espace de Fernand Vandenbogaerde. Aujourd’hui, Chi-Ho Han et Chae-Um Kim y répondent avec Pantomimes, pour piano à quatre mains et électronique, commande du Fonds de dotation Galaxie-Y au compositeur et pianiste Didier Rotella. « Didier explore toutes les facettes de l’écriture mixte, entre imitation et distance, souligne Chae-Um Kim. Cette musique aux couches multiples répond à sa manière, cinquante ans après, à un rêve de Pierre Boulez ». L’invention en musique est une histoire qui ne s’arrête jamais. C’est l’histoire de la modernité.

 

Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement

Des Semaines d’Orléans à la Salle Cortot : un demi-siècle de modernité musicale ravivé par le Fonds Galaxie-Y
du vendredi 24 janvier 2025 au dimanche 26 janvier 2025


Salle Cortot, 78 rue Cardinet, 75017 Paris. Vendredi 24 janvier à 20h30.

https://sallecortot.com/event/concert-boulez-2025/

Salle de l’Institut, 4 place Sainte-Croix, 45000 Orléans. Dimanche 26 janvier à 10h45.

https://www.helloasso.com/associations/orleans-concours-international/evenements/matinee-du-piano-dimanche-26-janvier-2025-salle-de-l-institut-a-orleans

 

Fonds de dotation Galaxie-Y

https://galaxiey.wordpress.com

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