« Deblozay » : une déambulation nocturne et musicale par Julien Marchaisseau

« Il y a quelque chose de très spécial dans le répertoire des chants sacrés du vaudou. J’ai vécu plusieurs années en Haïti. Dans ces chants, on sent qu’il y a quelque chose qui vient de notre histoire, du fait du syncrétisme, quelque chose qui est très proche de nous et nous touche profondément. Avec la cheffe de chœur et arrangeuse Alexandra Satger, nous essayons de transmettre ce répertoire, mais aussi de trouver comment le vivre physiquement, pour pouvoir être des passeurs. C’est une musique de transe, répétitive, qui nous fait perdre nos repères. Et puis, il y a aussi le fait d’être à l’intérieur d’une foule, associé à la marche, à la nuit… C’est un moment d’abandon. Dans Deblozay, on essaye de poser dès le départ des codes qui permettent de glisser doucement dans cet endroit un peu fantomatique.

Un rapport ludique, poétique, politique à la ville

Des silences convoquent les fantômes qui habitent aussi bien les espaces traversés que les participants. L’idée est d’embarquer la foule des vivants, mais aussi les morts que chacun amène avec soi. Je cherche un rapport ludique à la ville, à utiliser ce qui nous entoure. La ville a une poétique : elle nous raconte quelque chose. Quand je procède à l’implantation de Deblozay, elle me guide dans le choix d’un trajet. Je travaille sur les endroits frontières. Il y a une dimension politique forte. Il est inhabituel de traverser, la nuit, tous ces espaces. Qu’est-ce que cela fait de voir une foule de 500 personnes traverser son quartier à cette heure-là ? Cela nous permet de rencontrer un public non convoqué : il sort aux fenêtres, il descend des immeubles… C’est quelque chose de très puissant, de marcher ensemble. »

Propos recueillis par Mathieu Dochtermann