Entretien / Dominique Pitoiset
Le pacte faustien de Cyrano Après Qui a peur [...]
Nino D’Introna retrouve l’auteur Stéphane Jaubertie pour une nouvelle création sur le thème de la séparation des parents. Un beau texte, remarquablement servi par une mise en scène fascinante.
Après Yaël Tautavel ou l’enfance de l’art et Jojo au bord du monde, Nino D’Introna et Stéphane Jaubertie collaborent pour la troisième fois : Everest est un spectacle où l’intelligence, la poésie et la drôlerie du texte sont magnifiées de manière époustouflante par les effets théâtraux. Le fond et la forme font ensemble l’histoire, créant une totalité harmonieuse dont tous les éléments semblent aussi nécessaires que pertinents. Autour du thème de la séparation des parents, fait sociétal majeur que les enfants vivent en fonction d’une compréhension souvent tronquée de ses enjeux et de ses raisons, Stéphane Jaubertie imagine une histoire qui évite les pièges du réalisme sordide en poétisant la situation jusqu’au farfelu, tout en installant dans les dialogues des saillies prosaïques, qui ont l’immense mérite de permettre aux petits spectateurs un transfert sans identification obligée. La partition textuelle est subtile et intelligente, et enrobe la douleur dans la ouate de l’humour.
Harmonie des effets et complémentarité des arts scéniques
Alors qu’il se promène avec son fils dans la forêt, où il se réfugie souvent quand la mère l’agonit de reproches, le père est piqué par un serpent et se met à rétrécir. Devenu haut comme une cerise, et bientôt gros comme un pépin de citron, il s’installe sur la table de la cuisine et entreprend de grandir à nouveau en lisant des livres, dont le contenu reconstituant est supposé lui rendre sa taille initiale. Mais pendant ce long voyage intérieur, la mère décide de partir avec le voisin, plus à son goût que l’homoncule qu’est devenu son mari. Entre ces adultes peu raisonnables et peu matures, le fils s’essaie comme il peut à maintenir vivant l’amour qui s’étiole en rapetissant. Nino D’Introna a imaginé des tableaux successifs qui usent de plusieurs arts scéniques remarquablement agencés : la marionnette, le théâtre d’ombres, le jeu (Cédric Marchal et Angélique Heller excellent dans les rôles du fils et de la mère), la musique et le son (belle suggestivité du travail de Patrick Najean), et les lumières, qui unifient l’ensemble (magnifiques effets d’Andrea Abbatangelo). Tous ces talents, coordonnés de main de maître par Nino D’Introna, composent une féérie captivante qui, sans jamais oblitérer le texte, permet de le faire entendre en intensifiant sa drôlerie et son émotion. A tous égards, Everest est un sommet à recommander aux alpinistes théâtraux, petits et grands !
Catherine Robert
Le pacte faustien de Cyrano Après Qui a peur [...]