La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

En attendant Godot

En attendant Godot - Critique sortie Théâtre Hérouville Saint-Clair Théâtre d’Hérouville
En attendant Godot, de Samuel Beckett, à la Comédie de Caen. Crédit Photo : Tristan Jeanne-Valès

Région / Comédie de Caen - Théâtre d’Hérouville / de Samuel Beckett / mes Jean Lambert-Wild, Lorenzo Malaguerra et Marcel Bozonnet

Publié le 2 avril 2014 - N° 219

Jean Lambert-Wild, Lorenzo Malaguerra et Marcel Bozonnet cosignent la mise en scène d’un En attendant Godot résolument ancré dans la vie. Une véritable réussite.

« A cet endroit, en ce moment, l’humanité, c’est nous, que ça nous plaise ou non, dit Vladimir à Estragon, dans En attendant Godot*. Profitons-en, avant qu’il soit trop tard. Représentons dignement pour une fois l’engeance où le malheur nous a fourrés. » Magnifiquement incarnés par les comédiens ivoiriens Michel Bohiri et Fargass Assandé, cette humanité apparaît bien plus que digne, dans le spectacle créé par Lorenzo Malaguerra, Marcel Bozonnet et Jean Lambert-Wild à la Comédie de Caen. Elle renvoie à une authenticité, une vibration qui nous happent, nous gagnent — dès les premiers mots de ces deux êtres saisis dans le mystère de l’existence — à la cause de l’abstraction profondément vivante, du hors le temps éminemment concret dont se nourrit la pièce de Samuel Beckett. Pleine d’une universalité paradoxale, cette humanité aux racines africaines nous frappe de ses préoccupations à la fois sensibles et transcendantales, de ses errances rieuses et poétiques. Elle nous fait miroir. De manière impressionnante. Et assoit, avant même l’arrivée de Pozzo et Lucky, la clairvoyance du projet théâtral qui prend corps devant nous.

L’humanité regardée à la loupe

Qui sont ce Vladimir et cet Estragon ? Deux hommes, comme ils le disent sans davantage se singulariser. Deux être humains semblables à n’importe quels autres. Que font-ils là, près d’un arbre, dans un espace désertique (la scénographie, joliment épurée, est de Jean Lambert-Wild) ? Ils attendent Godot. Ils passent le temps, soumis au poids des choses. « Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! », écrivait Paul Valéry, en 1920, dans son poème Cimetière Marin. Tout est déjà là, dans ce célèbre vers : empreinte des éléments, complexité de l’être au monde. Rejoints par les autres personnages qui, eux aussi, viennent peindre l’étrangeté et l’extravagance de la condition humaine (Jean Lambert Wild compose un Lucky dont la présence soulève l’âme), Michel Bohiri et Fargass Assandé ne cessent d’impressionner l’espace théâtral de leur corporalité terrienne. De leurs voix roulantes et charnues. A l’image du jeu de Marcel Bozonnet, dont le Pozzo hautement expressif semble échappé d’un chapiteau (le rôle du Garçon est, lui, interprété par Lyn Thibault), cette création d’une précision toute musicale prend le parti du burlesque et de la vitalité. La gravité, jamais très loin, est maintenue à distance. Elle participe, subtilement, en ombres portées, à dessiner les à-pics de cette humanité regardée à la loupe.

Manuel Piolat Soleymat

* Texte publié aux Editions de Minuit.

A propos de l'événement

En attendant Godot
du mardi 18 mars 2014 au vendredi 28 mars 2014
Théâtre d’Hérouville
1 square du Théâtre, 14200 Hérouville Saint-Clair

Du 18 au 28 mars 2014. Durée : 2h05. Tél. : 02 31 46 27 29. www.comediedecaen.com.

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