Théâtre - Critique

Dieu habite Düsseldorf de Sébastien Thiéry, mise en scène Éric Verdin et Renaud Danner

Dieu habite Düsseldorf de Sébastien Thiéry, mise en scène Éric Verdin et Renaud Danner - Critique sortie Théâtre Paris _Le Lucernaire


de Sébastien Thiéry / mes Éric Verdin et Renaud Danner

À partir de Cochons d’Inde, qui lui vaut le Molière de la pièce comique 2009, Sébastien Thiéry développe un théâtre de boulevard reconnaissable à sa part d’absurde. Il met au point un univers où les codes du vaudeville sont mis au service de fictions souvent cruelles, qui dénotent un peu dans le paysage du théâtre privé où sont essentiellement montés ses textes. Après sa dernière pièce, 8 € de l’heure, mise en scène au Théâtre Antoine par Stéphane Hillel et interprétée entre autres par Dany Boon et Valérie Bonneton, ce sont ses premiers textes que l’on peut découvrir au Lucernaire grâce à Éric Verdin et Renaud Danner. Soit un ensemble de dialogues ciselés, proches du sketch, où deux hommes sans nom – ils sont désignés dans le texte comme « Monsieur 1 » et « Monsieur 2 » – et sans qualités se retrouvent dans des situations surréalistes. Nous sommes donc assez loin du Sébastien Thiéry actuel. Dans un autre type d’équilibre entre absurde et comique, dont le duo qui s’empare des textes brefs du recueil Dieu habite Düsseldorf et les interprète lui-même restitue bien la singularité. La complexité aussi, car derrière la grande simplicité des échanges, c’est tout un désespoir qui se cache avec plus ou moins de pudeur. Et toute une révolte – avortée, mais bien présente – contre un monde qui « couve et contrôle des inadaptés, des handicapés, des incapables. Un monde où les hommes sont triés par incompétences, n’ont pas d’amis, pas de sexe », analysent Éric Verdin et Renaud Danner.

Messieurs sans qualités

C’est par le langage que les comédiens nous font pénétrer dans le monde de Sébastien Thiéry. Presque entièrement dissimulés par des rideaux de plastique blanc, ils jouent l’arrivée d’un patient chez un médecin. À leur intonation un peu plus appuyée que nécessaire, à leurs phrases un peu trop brèves, un peu trop élémentaires pour être vraiment crédibles, ils annoncent leur distance par rapport aux codes du naturalisme. Une distance troublante parce qu’infime. Le charme se poursuit lorsqu’ils apparaissent enfin dans leur costume légèrement vieillot. Juste assez pour dire la marginalité de Messieurs 1 et 2 dans une société d’exclusion suggérée par le plateau immaculé qui s’offre au regard. En quelques répliques, l’identité des protagonistes est déclinée : l’un est un médecin spécialiste des imbéciles, l’autre un patient en consultation. Les face à face qui suivent sont construits sur le même modèle, moins hiérarchique qu’il y paraît d’abord. Qu’il s’agisse de l’homme qui veut s’acheter un ami et de celui qui en vend, de celui qui entre dans un magasin de pénis et de l’employé du lieu ou encore du type qui a empaillé son père et de son visiteur, tous les Messieurs de Dieu habite à Düsseldorf sont dans un pas de côté par rapport aux normes. Ce qui mène parfois à une dénonciation trop frontale, quelque peu caricaturale, de l’uniformisation des êtres, qu’Éric Verdin et Renaud Danner parviennent presque à faire oublier.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Dieu habite Düsseldorf de Sébastien Thiéry, mise en scène Éric Verdin et Renaud Danner
du mercredi 10 avril 2019 au samedi 8 juin 2019
_Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

du mardi au samedi à 21h. Tel : 01 45 44 57 34.


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