Théâtre - Critique

Amarillo

Amarillo - Critique sortie Théâtre


« Je m’appelle Luis, Mercedes, Fernando, Esteban, Nacho, Beatriz, Enrique… »*, dit Raul Mendoza, face au public. Adresse droite, mesurée, sans effet : les mots prononcés par le comédien de la compagnie mexicaine Teatro linea de sombra portent instantanément. D’une force particulière et mystérieuse, sa voix, comme sa présence, appellent notre écoute et notre attention dès le début de la représentation. Devant un haut mur de la largeur du plateau évoquant la barrière construite par les Etats-Unis à certains points de leur frontière avec le Mexique, le comédien prend la parole au nom de ses innombrables compatriotes qui tentent, chaque année, d’atteindre l’eldorado états-unien. « J’ai 17 ans, 21, 25, 40, 45 et 22 ans… Je suis né à Reynosa, à Ojinaga ou à Torreón, à Huajuapan de León, Guatemala, El Salvador, à Pachuca, à Zacatecas. J’ai toujours un chapeau, ou un bandana, une casquette et un survêtement. Je suis allé à Amarillo. Je me suis déshydraté. Je me suis perdu dans le désert. J’ai dit que je rentrerais et je ne suis toujours pas arrivé. »
 
« Je regarde vers le nord, mais le nord ne me regarde pas. »
 
Qu’impliquent les notions de frontière, de territoire, de nationalité ? Devant l’immensité du désert, comment savoir où se termine le Mexique, où commencent les Etats-Unis ? « Je regarde vers le nord, mais le nord ne me regarde pas », accuse Raul Mendoza. Spectacle politique qui se projette au-delà de perspectives purement didactiques ou idéologiques, Amarillo investit pleinement le champ du théâtre, de la créativité scénographique pour nous faire ressentir aussi bien que penser. Car Jorge Arturo Vargas (metteur en scène considéré comme l’un des créateurs les plus importants du théâtre contemporain mexicain) a élaboré une composition de perceptions, de sensations (visuelles, sonores, tactiles, corporelles, vidéographiques…) forte et variée. Sous sa direction, Raul Mendoza, María Luna, Alicia Laguna, Antigona González et Jesus Cuevas se font acteurs, manipulateurs, chanteurs, acrobates… Ils donnent naissance à une création pleine d’allant et de caractère. Une création qui passe par l’ellipse et la fulgurance artistiques pour toucher au cœur du politique.
 
Manuel Piolat Soleymat

* Spectacle en mexicain, surtitré en français.
 

Amarillo, texte de Gabriel Contreras (poème Mort de Harold Pinter) ; mise en scène de Jorge Arturo Vargas. Du 22 au 26 novembre 2011, à 20h30. Le Monfort Théâtre, Parc Georges-Brassens, 106, rue Brancion, 75015 Paris. Tél : 01 56 08 33 46. Spectacle vu en octobre 2011 au festival Les Translatines, à Bayonne. Durée de la représentation : 1h. Egalement du 14 au 16 novembre au TNT à Bordeaux, le 19 novembre au Théâtre national de Belgique.

A propos de l'événement




A lire aussi sur La Terrasse

  • Théâtre - Agenda

La Controverse de Valladolid

Hubert Jappelle met en scène le beau texte de [...]

  • Théâtre - Critique

La fête

Le collectif De Quark tire de la pièce de [...]

  • Danse - Critique

Violet

La dernière pièce de Meg Stuart, est, comme [...]