Théâtre - Critique

La fête

La fête - Critique sortie Théâtre


Trente ans que ça dure… A mâchonner mollement l’ennui d’une vie coulée dans la misère ordinaire, à réchauffer le désir épuisé sur la grisaille au quotidien. A ressasser les vieilles rengaines des lendemains dégrisés. La mère, le père et Gianni, le fils. Voilà la famille. Elle, inébranlable pilier du foyer, vampire maternel et midinette défraîchie, s’adonne tout entière à l’obsession de tenir son rôle de femme calquée sur les séries télé. Lui, loser indéfectible, traîne lamentablement de bistrots en petits boulots, de combines en débine, minable jouant les coqs d’appartement pour venger l’humiliation poisseuse des vaincus du système. Ils n’ont plus en commun que l’ardeur à s’étouffer l’un l’autre et le besoin de noyer le naufrage dans l’illusion. Entre eux, Gianni, le fils chéri ou le rival tacite, qui attise le jeu en déplaçant l’équilibre des forces. C’est justement le jour anniversaire des noces de perle : mousseux et cotillons de rigueur pour fêter la débandade !
 
L’imaginaire comme échappatoire
 
Dans La fête, Spiro Scimone, auteur et metteur en scène sicilien, taille en quelques traits sûrs la fine caricature d’une famille où chacun vivote dans la reproduction intangible d’un masculin et d’un féminin étalonnés sur le modèle traditionnel. Le jeune collectif De Quark s’empare avec audace de cette comédie amère et libère les schèmes solidement ferrés au cœur de ces êtres en déroute. Il met en scène le processus de représentation pour révéler la mise en spectacle du quotidien selon les clichés rabâchés par les machines à rêves médiatiques. Ainsi, la pièce commence comme une lecture, qui peu à peu s’incarne, peu à peu montre comment, même au plus intime, chacun cherche son bonheur dans un glamour de pacotille et tente d’échapper au réel par l’imaginaire. En scène, les comédiens jouent avec des morceaux de décors assemblés pour faire illusion et tiennent en juste équilibre sur le fil de la farce pathétique. Leur hargne à jouer la comédie est leur façon à eux de se débattre dans l’infinie banalité, malgré tout, contre tout.
 
Gwénola David

La Fête, de Spiro Scimone, par le collectif De Quark. Du 19 au 29 Novembre 2011, à 20h30 sauf dimanche à 17h, relâche mercredi. L’échangeur, 59 avenue du Général De Gaule, 93170 Bagnolet. Rens. : 01 43 62 71 20 et www.lechangeur.org. La Fête est suivi, sans entracte, de Bar. Durée 1h30. Spectacle vu à La Manufacture, Festival off d’Avignon 2011. Le texte est publié aux éditions de L’Arche.

A propos de l'événement




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